Jour 2 post-rébellion, matin.

Asha tenait très bien l'alcool. Vraiment très bien. Elle avait très vite eu l'occasion de le découvrir. Etait-ce réellement étonnant ? Quand on la connaissait, on se rendait bien compte qu'elle n'était pas le genre de personne à divaguer après deux verres. De fait, la jeune femme était plus ou moins habituée aux jeux et défis qui impliquaient de boire. Comme tout le monde, elle avait ses limites, souvent atteintes quand elle arrivait à traîner Aiden au quartier des jeux. Mais elle s'était aussi lâchée hier. L'occasion s'y prêtait et elle comprenait bien qu'elle ne pourrait plus en profiter avant un bon moment après la rébellion. Donc elle en avait abusé. Mais elle n'avait pas vraiment de trou noir, du moins elle pensait se souvenir de tout. Par contre, elle n'échappa pas aux maux de tête qui venaient lui vriller les temps. Elle avait l'impression qu'un régiment de sangliers martelait son crâne avec force et acharnement. Elle grogna, la tête plongée sous l'oreiller. Et elle maudit la chaleur du matin de la barbouiller comme ça. Elle préférait garder les yeux clos encore un moment, éviter d'être trop brusque pour une fois. Cela n'empêcha pas l'explosion de douleur de la surprendre quand elle eut la force de se redresser légèrement. Le soleil était un être fourbe qui la bombardait de ses rayons. Elle préféra battre en retraite, se servant du drap comme bouclier, elle le passa au-dessus de la tête, presque à la manière d'une cape. Ciel comme elle avait l'air ridicule. Mais le ridicule ne tuait pas. Pour la première fois, elle s'estima heureuse de ne pas avoir à passer la journée à souffrir mille morts à l'entraînement. Zayne lui aurait fait payer ses excès de la pire des manières...et horreur, elle aurait pu en retenir une leçon. Mais ce n'était pas le cas. Encore dans le vague, elle devait se reprendre et se forcer à y voir plus clair. Elle était confortablement installée sur une couche. Elle se souvenait avoir traîné avec un soumis, peut-être avait-elle même pu croiser Kahlan. Pour le moment, elle préférait se raccrocher à du concret et elle se souvenait très clairement avoir réussi à convaincre Aiden de les rejoindre. Elle en conclut donc qu'elle devait être au mieux dans sa chambre personnelle, au pire dans celle du blond. Mais un coup d'œil à ses côtés lui mit le doute. Aucune trace du surveillant. Elle tourna la tête, le regretta aussitôt tant la douleur se rappela à elle. Elle douta encore plus. La chambre semblait bien trop encombrée pour être celle d'Aiden. Elle avait toujours connu une chambre vide, impersonnelle, seuls quelques vêtements jonchaient parfois le sol. Et puis clairement, cette pièce était bien trop rangée pour être celle du blond ou même pour être la sienne. Elle se tut, se concentra une nouvelle fois. Peut-être était la chambre de Kahlan finalement ? Ou celle d'Ella ? Mais Ella prenait bien trop de place sur le matelas, cela ne pouvait donc pas être elle. Elle grogna encore et capta un mouvement dans la pièce. Il y avait bien quelqu'un. Quelqu'un qui avait dormi par terre. Pas Ella, pas Aiden, elle avait l'habitude de se trouver une place dans leurs couches. Avec le peu de courage qui lui restait Asha s'avança vers la silhouette étendue par terre dans une position inconfortable. Elle plissa les yeux, pas vraiment envie de s'abaisser mais elle crut reconnaître Anton. Le bizuteur. Que pouvait-il bien faire dans une chambre qui n'était pas la sienne de toute évidence ? Il aurait du être chez lui ou encore mieux dans la chambre d'Ella. Pas ici. Elle le poussa du bout du pied afin de le réveiller. Qu'est-ce que tu fous Anton ? T'as rien à faire là.

La veille n’avait pas été de tout repos. Comme les autres Jaguars, Anton savait pertinemment qu’il n’y aurait plus jamais une nuit similaire à celle qu’il venait de passer. C’est pour cela qu’il avait décidé d’en profiter autant que ce serait possible ; quitte à ne pas pouvoir se lever le lendemain ou à traîner des pieds si jamais on avait besoin de lui. Pas nécessairement parce qu’il aurait trop bu ! Mais simplement parce qu’il se serait couché tard le soir ou tôt le matin ; là encore, tout dépend du point de vue. Il en avait profité. Il avait fait ce qu’il avait voulu et, trop épuisé pour continuer à faire quoi que ce soit, il avait décidé de retourner dans ce qui lui servait de logement pour pouvoir se reposer. Du moins, c’est ce qu’il aurait voulu. Encore relativement sobre et conscient de tout ce qui se déroulait autour de lui, Anton écarquilla les yeux lorsqu’il l’aperçut, elle. Allongée dans sa couchette sans aucun scrupule, à dormir comme un bébé. L’étonnement passé, Anton afficha un sourire et au lieu de la réveiller pour la renvoyer illico dans sa véritable chambre, il la laissa là, tout simplement. Il remonta légèrement et délicatement le drap jusqu’au cou de la jeune femme en veillant à ne pas la réveiller. Ce qui aurait été compliqué dans tous les cas puisqu’elle semblait elle aussi avoir fait quelques excès. Aussi étonnant que cela puisse paraître, Anton ne se permit pas de juger ces derniers et à la place, il s’installa de manière plus ou moins confortable sur le sol ; à côté de ce qui était normalement son lit. Après avoir bataillé plusieurs minutes pour se mettre dans une position assez agréable, il finit par sombrer et par s’endormir, rattrapé par la nuit mouvementé qu’il venait lui aussi de passer.

Même les premières lueurs du jour ne parvinrent pas à le sortir de son sommeil. Il ne ronflait pas mais il s’en fallait encore peu pour que ce soit le cas. On pouvait d’ailleurs se demander comment il arrivait encore à dormir comme ça alors que le sol n’est clairement pas l’endroit le plus agréable. Anton avait réussi, par on ne sait quel miracle, à ne pas bouger de la position qu’il avait trouvé de tout le reste de la nuit. Hélas, ça ne pouvait pas durer éternellement. Inconsciemment et toujours en dormant, il bougea légèrement pour se mettre sur le dos, quittant ainsi la « bonne » position dans laquelle il était. Et ses courbatures se firent un peu plus ressentir. C’est à ce moment-là qu’un léger coup de pied dans les côtes le fit grogner tout en le forçant à émerger. Il ouvrit les yeux avant d’apercevoir Asha au-dessus de lui, qui le regardait en lui demandant ce qu’il faisait là. Il eut quelques secondes de réflexion, le temps que tout lui revienne bien en mémoire et il releva la tête vers la squatteuse. En arquant un sourcil. « Toi, qu’est-ce que tu fous ? » Sa question n’en était pas vraiment une. Il avait bien compris qu’elle ne savait plus dans quelle chambre elle se trouvait. C’est pour ça qu’Anton ne prenait pas mal sa deuxième remarque. Par contre, il allait se faire un plaisir de lui signaler son erreur même si ça ne serait pas méchant. « Je crois justement que c’est l’inverse et que c’est toi qui n’a rien à faire ici. Désolé de te l’apprendre, Asha, mais tu es actuellement dans ma chambre. » Il n’allait certainement pas lui dire qu’il l’avait volontairement laissé dormir là alors qu’il aurait pu la virer, hors de question. Sur ces mots, il lutta tant bien que mal contre ses courbatures afin de se remettre debout. Il tapa doucement sur ses vêtements pour en enlever la poussière et pour être un peu plus présentable puis, il reporta son attention sur sa collègue en attendant qu’elle comprenne qu’il n’était absolument pas en tort.

Elle plissa les yeux. C'était bien Anton qui se trouvait là, juste à ses pieds. Elle ne comprenait pas pourquoi. La situation lui échappait. Pourquoi dormir par terre ? Il n'y avait rien de plus inconfortable. Il aurait du rentrer chez lui, dans sa couche à la place de se faire du mal comme ça. Peut-être qu'il était plus bizarre que ce qu'elle croyait, qu'elle avait une image de lui totalement erronée. Et peut-être qu'il était mort. Qu'elle avait un cadavre dans sa chambre...qu'il avait trop bu, s'était cogné, était tombé dans le coma. Mais elle était trop à plat pour vérifier. Alors elle se contenta d'un coup de pied et d'attendre en pensant à tous les inconvénients d'avoir un macchabée dans sa chambre. On l'accuserait de l'avoir tué aussi ou on la questionnerait sur son décès. Elle souffla. Elle était fatiguée rien que d'y penser. Comment expliquerait-elle à Ella qu'elle l'avait tué ? Heureusement, elle n'aurait jamais à le faire puisqu'il grogna. C'était un problème de moins. Il ne lui restait plus qu'à expliquer sa présence ici. A vrai dire, elle ne savait pas si c'était mieux. A peine avait-il ouvert la bouche qu'elle le regretta, geignant comme une enfant. Arrête de crier, ma tête va exploser. On aurait dit une mort-vivante. Elle se drapa du linge blanc, se l'enroulant autour du visage comme l'auraient fait des enfants cherchant à jouer les fantômes. Quand à son explication, elle n'y croyait pas. Si elle était dans sa chambre alors pourquoi avait-il dormi par terre, c'était illogique. Elle voulut lui redonner un coup de pied pour le punir de sa blague mais il se releva trop vite. Et elle manque de trébucher en arrière, grognant alors qu'elle avait presque l'impression que la terre tournait autour d'elle. Ouais, cette fois, je goberais pas tes mensonges. Parce qu'après tout, il lui avait tellement menti, la piégeant dans ses plans de bizutage idiots. Qu'est-ce qui lui prouvait qu'il ne recommençait pas ? Elle retourna près du lit, se laissant tomber sur la couche, enfouissant à nouveau son visage sous l'oreille...et miracle, elle tomba sur une bouteille encore à moitié pleine. Elle sourit à la bouteille. Enfin, une bonne nouvelle ! Ne disait-on pas qu'il fallait combattre le mal par le mal ? T'en veux ?, demanda-t-elle en émergeant à nouveau, prenant une petite gorgée.

Anton arqua un sourcil. Pourquoi le regardait-elle de cette manière ? Non vraiment, pour une fois, il ne saisissait pas. Et pourtant, ce n’était pas faute d’essayer. Mais là, son cerveau devait encore être un peu trop endormi pour pouvoir tout comprendre et analyser correctement. Et puis, il ne criait pas. Du moins, il n’en avait clairement pas l’impression. Pour lui, il parlait normalement et le ton de sa voix n’était pas très élevé. C’est alors qu’une évidence lui traversa l’esprit. Elle avait bu. Elle avait bu jusqu’à ne plus pouvoir marcher droit. Et c’est pour ça que son crâne ne supportait pas le moindre bruit même si ce dernier n’était pas excessivement fort. Elle en avait profité mais vu l’événement, il n’y avait franchement pas de mal à ça. Surtout que ce n’était pas prêt de se reproduire de sitôt. Ça, c’était une certitude. « Je parle normalement, tu sais… Et je doute que ta tête puisse exploser, elle me paraît un peu trop ancrée sur tes épaules pour ça. » Et voilà que maintenant, elle se mettait à lui piquer ses draps. Décidément, elle était irrécupérable. A quasiment tous les niveaux, en plus. Il n’irait pas jusqu’à dire que c’est affligeant mais parfois… Anton n’en pense pas moins. Mais bon, il s’attendait à tout de la part d’Asha à présent. Il se retint d’ailleurs de rire en constatant qu’elle avait manqué de trébucher et de finir étalée par terre. Mais la remarque, elle, fusa beaucoup trop rapidement pour qu’il ne puisse l’arrêter. « Attention où tu mets les pieds, tu pourrais te faire mal ! Ce n’est pas facile la première cuite, pas vrai ? » Parce que c’était forcément à cause de ça qu’elle avait perdu en agilité. Cela dit, Anton changea d’attitude en se mettant à soupirer quand elle lui annonça que cette fois, elle ne goberait pas ses soi-disant mensonges… Mais pour une fois qu’il lui disait la vérité, bon sang ! Pourquoi était-ce spécialement ce moment-là qu’elle avait choisi pour l’enquiquiner ? Pourquoi pas un autre matin ? Un où il serait en forme pour endurer ses répliques ? Non là, franchement, ça le désespérait et il n’avait pas envie de répondre à ça par une blague dont il avait le secret. « Et si je te disais que c’est la vérité et rien que la vérité ? Je suis rentré alors que tu étais déjà là ! J’aurais pu te réveiller et te renvoyer chez toi de gré ou de force mais j’ai décidé de faire une concession en te laissant dormir dans ma couchette pour ne pas te déranger et c’est comme ça que tu me remercies ? » Bon d’accord, sur la fin, Anton avait peut-être un peu volontairement exagéré ses propos. Il n’irait clairement pas jusqu’à lui demander de le remercier en lui faisant un câlin… De toute façon, il savait que c’était une chose impossible et il n’en demandait pas tant. Silencieux, il se contenta de la regarder faire quand elle se laissa retomber sur la couche, de reposer sa tête sur l’oreiller et de… Miraculeusement faire tomber une bouteille. Okay, celle-là, Anton ne s’y attendait vraiment pas. Et le pire, c’est qu’elle commença à en ingurgiter le contenu tout en lui demandant s’il en voulait. Le Jaguar soupira… ça n’allait vraiment pas être sa matinée. « Non merci… Asha, sérieusement ! Tu viens de passer une majeure partie de ta nuit à boire et… Tu recommences alors que tu es à peine levée ? Je te rappelle qu’il va y avoir du travail dans le clan et que tu n’y échapperas pas non plus. » Oui oui, il était totalement sérieux. Des fois, ça pouvait lui arriver.

Chaque mot prononcé par le blond était comme un coup de massue sur son crâne. Jamais elle n'avait autant souhaité qu'une personne se taise. Et si elle comprenait la raison de son mal, qu'elle était bien consciente que sa tête n'exploserait pas, cela ne changeait rien à la situation. Chaque petit bruit lui martelait le cerveau et lui donnait envie de mourir. Elle grommela quelques mots vaseux, insistant pour qu'il baisse d'un ton. Dans ces moments-là, elle regrettait amèrement la présence d'Ella. Elle, elle aurait pu le faire taire de façon pacifique. Quelques mots et le tour aurait été joué. Mais Ella n'était pas là. Où diable pouvait-elle être d'ailleurs ? Il fallait absolument qu'elle se souvienne de ce qu'elle avait fait en fin de soirée. Déconcentrée, elle faillit chuter et si elle s'attendait à ce qu'Anton se moque d'elle, il n'en fit rien, étonnement. Par contre, il la mit en garde. Elle aurait pu dire adieu à sa crédibilité si elle s'était fait mal de cette façon. Survivre à une rébellion mais pas à un lendemain de beuverie, il n'y avait rien de plus pathétique. Par contre, elle pouffa de rire. Première cuite ? Anton ne la connaissait pas. Asha était loin de vivre sa première cuite. Elle était même plutôt habituée à boire, ce qui lui indiquait qu'elle avait du prendre autre chose cette nuit-là. Une discussion avec Aiden s'imposait donc...une fois qu'elle serait remise. Première cuite, vraiment Anton ? Tu oublies à qui tu parles, lâcha-t-elle narquoise. Certes, elle n'avait plus vraiment eu l'occasion de profiter de ses soirées depuis qu'elle avait été confiée à Zayne, préférant passer ses nuits à se reposer, mais elle n'avait jamais non plus été considérée comme la plus sage des jaguars. Les excès en tout genre lui avaient toujours collé à la peau. Il enchaîna ensuite sur d'autres explications, insistant une nouvelle fois sur le fait qu'elle s'était trompée de chambre. Elle l'écouta, sceptique. Il lui avait tellement menti. Pourquoi en serait-il différent cette fois ? Si au fond, elle devait bien avouer qu'elle n'était pas dans sa chambre, elle n'avait pas non plus envie d'admettre qu'Anton avait raison. Encore moins quand il en faisait tout un plat. Le remercier, lui ? Et puis quoi encore ? Elle ne lui avait rien demandé après tout ! Et elle aurait très bien pu se lever et retourner chez elle. Oui, l'intention était bonne mais elle n'allait pas lui donner ce qu'il voulait. Au contraire, elle haussa les épaules. Je ne t'avais rien demandé. Tu aurais très bien pu me réveiller. Tu t'attendais à quoi pour cette bonne action ? Que je t'offre une récompense ?, répondit-elle. Oh merci Anton, tu es un saint, ajouta-t-elle ironiquement, en prenant le ton d'une pimbêche. Et sur le moment, elle pensa qu'il devrait la remercier. Après tout, elle tenait bien l'alcool...elle n'avait donc pas vomi dans sa chambre, il pouvait s'estimer heureux.

Puis, elle retrouva le confort de la dite couchette et le réconfort de l'alcool. Généreuse, et peut-être pour le remercier finalement, elle proposa au blond de partager mais ce dernier préféra lui faire la morale. Oh décidément, ils n'étaient vraiment pas sur la même longueur d'onde ce matin. Elle avait bien conscience du boulot à faire mais dans son état, elle ne serait pas utile. Or, si elle ingurgitait l'alcool, elle se reprendrait plus vite, elle en était certaine. T'as jamais entendu l'adage ? Combattre le mal par le mal ? Et puis ce n'est pas la mort, pour ce qu'il reste dans cette bouteille, lui répondit-elle en l'agitant devant elle. Il était vrai que le contenu n'avait rien de très impressionnant. T'es sûr que t'en veux pas ?, renchérit-elle avant d'ajouter sans lui laisser le temps de répondre. Ella, elle est vachement plus drôle que toi. Elle aurait dit oui, elle. Et elle reprit une nouvelle gorgée, savourant la brûlure que l'alcool lui procurait. T'as fait quoi de ta nuit, dis-moi, grand-père ?, le questionna-t-elle, clairement moqueuse une fois de plus.

Franchement, Anton commençait presque à regretter de ne pas l’avoir tout simplement virée de chez lui pendant la nuit. Ça lui aurait évité un si gros bazar alors qu’il est à peine levé. Déjà, en temps normal, ce n’était pas facile avec Asha mais franchement, là, c’était encore pire. Elle faisait partie de ces rares personnes qui avaient le don de savoir comment faire pour l’exaspérer. Anton ne fit même pas attention aux mots qu’elle grommela. Elle pouvait bien râler si ça l’enchantait, pour le coup, lui s’en moquait. Il n’allait pas se mettre à chuchoter parce que madame n’est pas capable de supporter les conséquences d’une nuit passée à faire la fête. Cela dit, il s’était rendu compte, au dernier moment, qu’il avait effectivement parlé trop vite en disant à Asha que c’était sa première cuite. Evidemment, étant donné le phénomène qu’elle était, ça peut paraître plus que logique qu’elle en ait déjà vu d’autres. Mais alors, qu’est-ce que celle-ci avait bien pu avoir de différente pour la mettre dans un tel état ? Anton l’ignorait et au fond, il n’était même pas certain de vouloir connaître la réponse. Parfois, il vaut mieux ne rien savoir et on ne s’en porte que mieux. « Okay, je l’admets, ma remarque était stupide. C’est vrai que quelqu’un comme toi aurait plutôt tendance à être une alcoolique. » Certes, c’était peut-être un peu violent comme réponse mais à ses yeux, c’était mérité. Et puis, de toute façon, ça ne peut pas être tendre quand ces deux-là se parlent. Ou plutôt, disons que c’est leur manière à eux de l’être, en ce qui les concerne. C’est comme ça, ils ne savent pas faire autrement. La seule différence cette fois-ci, c’est qu’Anton a eu le malheur de vouloir être serviable et honnête en la laissant dormir dans sa chambre. Et son haussement des épaules lui confirma qu’elle n’allait certainement pas se laisser faire aussi facilement. Remarque, le contraire l’aurait inquiété. « Je m’attendais à rien de spécial, surtout venant de toi. Par contre, je pensais que tu serais un peu plus aimable, du coup. Mais je crois que c’est une cause perdue. Et c’est bon, arrête de te moquer de moi. T’as vraiment l’air ridicule à faire cette tronche-là. » A ce compte-là, c’était vraiment stupide. La voir faire la pimbêche lui fit lever les yeux au ciel en soupirant. Au moins, elle n’avait fait aucun dégât dans sa chambre.

Elle aurait dû enfin se lever mais finalement, elle s’était recouchée dans le lit comme si de rien n’était. Bon d’un côté, si elle voulait profiter de sa dernière matinée à dormir, ça ne le regardait pas. Si elle finissait par se faire engueuler, c’était son problème, à elle, et il n’irait sûrement pas accourir pour la défendre. Après tout, si elle est assez grande pour boire toute la nuit, elle l’est aussi pour assumer tout ce qui peut en résulter. A elle de voir, donc. Et puis, Noâ les avait prévenus : hier soir, la fête était le maître mot mais le lendemain, il fallait assumer et aider pour les réparations. Et en dormant, c’est certain qu’on n’aide pas énormément. Cela dit, cette fois, la réplique d’Asha le fit rire. Oh si, il avait déjà entendu parler de cet adage mais ce n’est pas pour ça qu’il fonctionne avec tout et n’importe quoi. « Je le connais mais très franchement, je pense que tu te fais encore plus de mal en insistant MÊME s’il ne reste pas grand-chose dans cette bouteille. » Il soupira en la voyant agiter sa bouteille devant lui. Ça va, il n’est pas aveugle et il voyait très bien ce que contenait cette dernière. Pas besoin de la lui mettre pile sous le nez. « Je suis sûr que je n’en veux pas, merci et... Je ne suis pas Ella et d’ailleurs, elle est aussi bien plus cool que toi, c’est vrai. » Elle ne lui avait pas laissé le temps de répondre alors il s’était exprimé pour les deux phrases. Il la regarda ingurgiter une nouvelle gorgée alors qu’elle lui posait une question n’ayant pour but que de se moquer de lui… Et le pire, elle ne cherchait même pas à dissimuler son intention. « La fête, comme tout le monde. Mais à l’inverse de certaines personnes, je n’ai pas fait d’énormes folies, cette fois. Alors dis-moi, tu as fait quoi pour finir dans un tel état, gamine ? » A tous les coups, elle n’allait même pas s’en souvenir… Et ce ne serait même pas surprenant.

hrp:

Anton devrait s'y faire. Face à une personne comme Asha, il devrait admettre encore de nombreuses fois qu'il avait tort. Chaque aveu de sa part sonnait comme une douce mélodie aux oreilles de la féline. Dans ce cas-ci, la mélodie tenait plus d'une fanfare mais elle était prête à le supporter. Néanmoins, il avait une nouvelle fois distordu des faits. Asha savait comme s'amuser, oui. Elle n'était pas une inconnue du quartier des jeux. Néanmoins, elle y mettait bien moins souvent les pieds que ce qui se racontait. Cette impression d'omniprésence était certainement du au fait qu'elle ait toujours marqué d'une manière ou d'une autre ses passages à cette attraction typiquement jaguar. Mais Asha ne buvait pas tant que ça. Et bien moins encore depuis qu'elle était sous la tutelle de Zayne. Elle avait bien compris que son mentor ne lui ferait pas de cadeaux et c'était à elle de faire les sacrifices nécessaires pour pousser son entraînement au plus haut de ses capacités. Pour ça, elle devait être en pleine forme. Pas comme en cette matinée qui commençait plus mal que l'ordinaire. Elle aurait bien besoin de prendre une bonne douche froide pour se remettre les idées en place et espérer que les événements de la veille lui reviennent petit à petit. Anton n'aiderait pas. Ça, elle en était certaine. Pas par manque de volonté (il lui avait laissé son lit, qu'elle veuille l'admettre ou non) mais tout simplement parce qu'elle était certaine de ne pas avoir traîné avec lui la nuit précédente. Il fallait donc qu'elle s'en aille, qu'elle lui rende la possession de sa propre chambre. Elle ne releva donc pas sa remarque, se contentant d'un bref roulement des yeux. C'est bien, t'as au moins compris qu'il ne faut jamais rien à attendre de ma part. Surtout pas de...c'est quoi le mot déjà ?, feignit-elle de chercher. Ah, oui. De l'amabilité, c'est ça ? Je suis pas une demoiselle en détresse. Essaye avec Bridgit ou Alice, t'auras peut-être plus de chance. Les prénoms avaient été crachés avec un réel mépris, preuve qu'Asha ne les portait réellement pas dans son cœur. Elle se doutait qu'Anton avait conscience qu'il ne trouverait pas de la douceur chez la féline. Asha n'avait pas vraiment cette réputation mais un rappel ne faisait jamais de mal.

Décidée à jouer un peu plus avec les nerfs du blond, Asha s'installa plus confortablement dans les draps, affichant un rictus de défi. Il pouvait essayer de la déloger s'il le souhaitait. Elle ne livrerait pas bataille bien longtemps. Elle avait décidé de prendre congé du membre une fois sa bouteille finie. Ce qu'elle ne tarda pas à faire en vidant le reste de sa bouteille d'une traite. On verra bien lequel de nous deux aura raison, lâcha-t-elle quant à la théorie du feu par le feu. Je parie sur moi, ajouta-t-elle dans une nouvelle provocation. Ouais, Ella plus cool que nous deux, quelle évidence, Anton. Ta pertinence m'étonnera toujours. Waow ! Continuer dans la provocation (aussi puérile ait-elle été) ne la dérangeait absolument pas. Mais cette fois, son sourire cacha autre chose, de la malice. Il fallait être aveugle pour ne pas noter le comportement d'Anton quand il était en présence d'Ella. Ce type était probablement fou d'elle et ne le remarquait même pas. Il n'y avait rien de plus amusant à observer. Ton réveil aurait tellement plus agréable si j'avais été Ella. Mais elle ne l'était pas et ce n'était pas plus mal. Ce pauvre Anton n'aurait pas pu survivre à deux tornades félines. Après tout, Ella en faisait voir de toutes les couleurs au petit palpitant du blond. Asha était même certaine qu'il ignorait où elle avait fini sa nuit. Alors qu'il essaye de ramener ça sur le tapis la fit moins réagir que prévu. Elle haussa simplement les épaules. Oui, elle était curieuse de savoir ce qu'elle avait fait durant toutes ces heures mais elle ne se rendrait probablement pas malade pour ça non plus. Il lui restait encore plusieurs cartes à abattre pour reconstituer le cours de sa nuit. Je sais pas trop. Des choses qui fatigueraient ta carcasse de vieillard rien que d'y penser, j'imagine, répondit-elle simplement en finissant enfin par se lever de la couche sans tanguer cette fois.