Now I'm getting up

Année 34 - Première saison tempérée.

Un coup. Un autre. Encore un autre. Ils usaient à la perfection des mots. Ils jonglaient avec comme s’ils n’avaient fait que ça de leur vie. Leurs mots étaient aussi acérés que des griffes ou que des incisives. Ils n’ont jamais été stupides. Ils étaient contents parce que la plupart du temps leurs attaques mesquines avaient l’effet escompté. Certes, c’était des enfants ou de jeunes adolescents mais ça n’atténuait pas la douleur. S’ils devaient être jugés pour leurs actes, je ne leur accorderais aucune circonstance atténuante. C’était de vrais monstres. Les enfants sont des monstres. Non, les hommes, les humains sont des monstres. Ils n’ont jamais été capables d’accepter la différence même si celle-ci était minime et même si elle pouvait être un apport. Je leur en voulais. Je leur en ai toujours voulu. J’étais faible encore alors au lieu de leur cracher à la figure ou de les frapper, je rentrais chez moi, retrouver ma mère. Mon père ne servait à rien, de toute manière. Il était aussi passif que violent et stupide. Alors, j’allais me cacher dans un coin pour souffler, pour pleurer un bon coup. Je ne trouvais pas les mots mais j’avais très vite trouvé un moyen de me canaliser avec l’aide de ma mère : je les visualisais dans un caillou et j’insultais ces cailloux auxquels je donnais le nom de chaque petit tortionnaire et je les frappais si j’en ressentais le besoin. C’était très efficace et, ma mère l’avait vu venir depuis très longtemps – elle n’était pas une ancienne Membre Vipère pour rien – ça allait m’aider à les affronter, petit à petit. Ça allait me rendre plus forte, moins accessible. Elle était certaine que malgré tout ça, j’allais devenir une très grande Membre, l’une de celles qui allaient rendre le clan fier et fort.

Encore une fois. Ils ne cessaient de me bombarder de mots aussi puissants que blessants. Je marchais, je longeais les murs parce que c’était encore le plus simple. Ce n’était que des mots, n’est-ce pas ? Ce n’était que des gosses qui ne comprenaient pas la différence, hein ? Et s’ils étaient ces cailloux ? « Visualise-les dans ces cailloux et crie ta rancœur. » Là, je n’avais même pas besoin de les visualiser pour exprimer tout ce que je ressentais au fond de moi. Je pouvais hurler. « T’es bizarre. » ou encore « T’es pas normale. » et même « Reste dans tes rêves, de toute façon, tu feras jamais rien de bon. » Je n’étais peut-être pas totalement comme les autres mais j’étais une Vipère. « J’ai pas envie d’être comme vous ! » Je venais de le hurler, littéralement. Forcément, ça les surprit. Ils n’étaient pas préparés à ça. Ils n’étaient clairement pas habitués à ça. Néanmoins, ils se reprirent rapidement. « C’est pas en regardant dans le vide qu’on devient plus fort. » Ils ne pouvaient pas comprendre. C’était ce que ma mère me répétait sans cesse. Entre des garçons destinés à n’être que des Soumis et des filles qui aimaient jouer les princesses dominantes, ils n’étaient pas près de comprendre. Je ne m’expliquais pas ce qu’il m’arriva mais je sentis une colère m’envahir et une pulsion m’animer : je mordis un garçon jusqu’au sang. Ça renforça sans doute l’idée d’une fille incapable de parler vraiment avec les autres mais c’était ma première réplique et ça représentait bien plus qu’ils ne pouvaient l’imaginer. Il eut si mal qu’il cria et les autres réagirent, m’assénant de coups dans le dos pour me faire le lâcher. « T’es complètement dérangée ! » Ils partirent en criant et je me retrouvai seule, en larmes et pourtant pour la première fois combattive.