I'm not weird just relaxed

Jour 10 - dans l'après-midi.

Je ne m’étais pour ainsi dire jamais les pieds au bar à drogues ni même dans ses environs. Pas que j’avais quelque chose contre les drogues qui pouvaient détendre ou contre ce qui pouvait se passer, c’était encore plus que ça. Je n’étais pas franchement attirée, peut-être même un poil sceptique. Par ailleurs, j’avais généralement d’autres moyens pour me détendre et passer du bon temps. Un rien suffisait pour m’occuper l’esprit et m’amuser. C’est en grande partie justement ce qui est à la base de toutes ces rumeurs à mon sujet : une fille bizarre, une fille différente, une fille qui vit dans son monde, un monde parallèle. Alors, certes, je n’y avais jamais touché jusque-là et les autres avaient bien du mal à m’y amener de force, pour peu qu’on ose m’y inviter ou même juste me parler évidemment. Je n’étais pas coincée non plus, juste loin de tout ça. Aucun garçon en vue et aucun garçon qui n’avait de vue sur moi. Aucune raison de perdre mon temps dans ces histoires non plus si c’était pour que ça me joue des tours le reste du temps. Et je n’avais pas eu de raison particulière pour y aller cette fois non plus. C’était à se demander comment j’avais pu me retrouver là.

Enfin, je le savais partiellement. Un garçon, insistant, mais pas brusque. Étrangement tendre et simple joueur sans mauvaise intention de prime abord. Un garçon qui pourtant me lâcha pour la première venue une fois le bar rejoint. Il ne semblait pas franchement dans son assiette, le pauvre. Il passait d’une fille à l’autre. Ce fut bref mais étrange et intense, ce moment partagé. Peut-être parce que je me sentais moi-même toute chose, légère, sur un petit nuage. Je me prenais à rêvasser telle une minette follement heureuse. Rien de très grave mais j’affichais un sourire béat. Je n’eus de meilleure idée pour passer à autre chose que de faire mon choix : de l’alcool. Quoi qu’il en soi, j’avais bu mon verre d’une traite et ça m’avait déjà bien détendue. Mes joues devinrent rouges, je me sentais toujours plus légère et j’en oubliais presque les autres. Un deuxième verre que je sirotais déjà. Avec tout ça, c’était connu, on se désinhibait totalement ou presque. Même moi. Surtout moi ? J’étais dans un coin, seule, avec ce verre, complètement paumée. J’avais remarqué un garçon, plus loin qui rentrait tout juste dans le bar. « T’es tout seul ? » Quelle fine observation, Rose… Je faisais un signe de la main et puis je l’invitais d’un mouvement de l’index. J’étais drôlement joyeuse. L’alcool ou le reste ? Un peu des deux.

Cette journée était clairement étrange… Depuis mon réveil, le territoire semblait agité de façon… inhabituelle. J’avais même eu droit à une visite surprise qui avait disparu aussi vite qu’elle était apparue. Bon, ce n’était pas pour me déplaire, mais celle-là était plutôt du genre à demander un service ou quoi en retour, hors là il semblait que c’était juste « pour le plaisir » pour reprendre ses mots. C’était vraiment étrange…

Au fil du temps, j’ai même commencé à m’inquiéter pour Kat. Si le comportement des gens ressemblait fortement à son attitude générale, j’avais plutôt peur qu’elle subisse une sorte d’effet inverse ou quelque chose du genre. Enfin je ne savais pas du tout ce qu’il se passait, mais un sale pressentiment fini par me lancer à se recherche malgré tout, et je savais par où commencer.

Les œillades insistantes auxquelles j’eu droit durant le trajet me mettait plus mal à l’aise qu’autre chose. J’essayais donc de les ignorer, avançant d’un pas rapide. Arrivé au Bar à Drogue, qui était plein à craqué, j’eu un mouvement de recule à l’entrée : murs plus monde égale réaction claustrophobique… Pourtant, je devais rentrer, ne serais-ce que quelques minutes, afin de vérifier si ma sœur était là ou non. Je pris donc une grande inspiration (les vapeurs me firent un peu tourner la tête) et entrait donc. Mais à peine eu-je franchis le seuil que je fus interpellé par une jeune femme que je connaissais de vue, et que je savais Membre, mais sans plus. Je m’assurai que c’était bien moi qu’elle visait et hésitais quelques secondes à la suivre. Je ne savais pas quelles pouvaient être sa réaction si je refusais de venir, aussi me décidais-je à l’approcher et répondis-je à sa question.

« Plus maintenant. A qui ai-je l’honneur ? »

Peut-être pourrait-elle me renseigner sur Kat, mais si elle me demandait de lui offrir quelque chose, je risquais vite de me retrouver con, car je n’avais rien prit pour échanger aujourd’hui…

En règle générale, j’abordais les gens autrement. C’est-à-dire de manière pas du tout subtile et sans penser aux conséquences. Du moins, tant que ce n’est pas quelque chose de plus sérieux, évidemment. Mais là, c’était autre chose. C’était étrange. Je n’avais jamais été dans un tel état. Je n’avais jamais vraiment bu non plus, je ne suis pas une grande buveuse. Je suis loin de l’être. Ce n’était pas tout. Je souriais quand même bêtement depuis un bon moment. Et surtout, j’étais venue dans ce fameux bar à drogues. Quelque chose clochait sérieusement chez moi. Quelque chose que je ne m’expliquais pas alors que je suis d’habitude à l’affût. J’espérais ne pas devenir complètement folle. Je me rassurais tant que je le pouvais en me rappelant que j’avais découvert plus d’une Membre et plus d’un Soumis ou d’une Soumise dans un tel état depuis ce matin. Non, ce n’était pas moi le problème. C’était beaucoup plus généralisé. Je ne savais pas encore quoi mais on allait finir par le savoir. Je l’espérais en tout cas.

De toute manière, actuellement, j’avais autre chose à penser. J’avais vraiment la tête ailleurs, infectée par l’alcool que j’avais vidé très rapidement, trop rapidement. En plus de ça, le Soumis que j’avais interpellé avait suivi mon geste et s’était approché. Au fond, il était mignon. Pas mal, même. Ma conscience embrumée, je ne me choquais pas trop de ce constat. De toute façon, je ne me pensais pas aussi loin, pas au point de lui faire des avances indécentes. Je l’espérais en tout cas. Je me maîtrisais. J’étais même le genre à râler sur celles qui ne le faisaient pas et qui se montraient bien incapables, du coup, de tenir le coup et d’être performantes quand il s’agissait de bosser pour le clan. Je n’allais pas m’abaisser à leur niveau tout de même. Là, j’étais lancée, de toute façon. Et rien que mon salut et mon invitation pouvaient me jouer des tours. « Rose et toi ? Tu veux un verre ? Je te l’offre volontiers, j’ai de quoi. » J’avais de quoi a priori. Et me serrer la ceinture ne me posait apparemment pas de problème. Sur le moment, en tout cas. Cela ne voulait pas dire que je ne risquerais pas de m’en mordre les doigts plus tard. Oh et puis, au moins, on ne pouvait pas dire que j’étais bizarre. Je parlais avec un Soumis et je lui proposais un verre. Tout le monde a bien fait ça une fois, non ?

La fille ne tourna pas autour du pot, se présentant sans méfiance et me proposant même un verre. Je plissais les yeux, me demandant bien ce qu’il y avait derrière cette proposition. Une Membre qui propose un verre de façon si spontanée à un Soumis, ce n’était pas courant, sauf si la Membre en question attendait quelque chose du Soumis…

Je lançais un rapide coup d’œil autour de moi, cherchant ma sœur en vain, avant de revenir sur la dénommée Rose, affichant un petit sourire même si je me méfiais pas mal intérieurement.

« Je m’appelle Remy, et c’est gentil mais je ne voudrais pas te priver de tes rations… »

Façon polie de refuser, et j’espérais que ça ne se retournerait pas contre moi… D’ailleurs, j’enchainais rapidement pour changer de sujet.

« Dis moi, tu n’aurai pas croisé Katarina aujourd’hui par hasard ? »

Mieux valait poser la question franchement…

Je remarquais bien que le jeune homme n’était pas à l’aise. Dès qu’il avait mis un pied dans le bar à drogues, il m’avait paru bien tendu. Était-ce le lieu le gênait ? Si c’était le cas, pourquoi avait-il mis le pied ici ? Ma fine observation ne prenait pas le dessus, pas cette fois. Au contraire, c’était un sentiment bien étrange qui m’animait. Alors, je laissais de côté mes questions et mes doutes, pour l’instant. Il n’hésita pas à me donner son nom à son tour. Remy ? Je ne connaissais pas ce prénom. Au moins, je ne devenais pas complètement folle, malgré cet état second dont je ne parvenais pas à m’extirper. Ce Remy, en plus du malaise qu’il affichait sûrement malgré lui, semblait chercher quelqu’un. Cherchait-il à me fuir ? Ce ne serait pas forcément surprenant. Après tout, j’étais très avenante pour une première rencontre. Je me ferais sûrement peur aussi. « Ma présence t’insupporte à ce point, Remy ? » Je ne savais trop moi-même si je le taquinais ou si c’était vraiment ce jeu de séduction déplacé qui s’installait. Je n’étais pas ce genre de fille habituellement. Tout le contraire même. Il cherchait donc Katarina ? « Katarina, elle devrait être ici. Elle est beaucoup plus familière que moi de cet endroit. » Je répondais franchement, jouant avec l’une de mes mèches rousses. J’avais penché la tête vers la droite et je le scrutais. J’étais curieuse de savoir ce que ce Soumis peu à l’aise cherchait chez cette fille connue pour être la plus ouverte – si vous voyez ce que je veux dire – du clan. « Je ne la connais que de rumeur et nous n’avons pas beaucoup de centre d’intérêt en commun elle et moi. Mais dis-moi, tu as l’air inquiet, mon beau Soumis. L’un de vous a fait quelque chose à l’autre ? » J’étais particulièrement curieuse alors que Katarina ne m’intéressait pas. Avais-je vraiment de l’intérêt pour lui ?

La fille prit mon comportement comme une volonté de la fuir. Si ce n’était pas vraiment mon intention, je ne comptais à la base pas m’attarder non plus… Je comptais pourtant bien lui répondre que sa présence était loin de m’insupportée, mais que je ne pouvais pas rester, mais elle reprit la parole avant que je ne puisse en placer une, ajoutant que Katarina devait être là puisque c’était plutôt dans ses habitudes de trainer au bar à drogues. Ca, j’étais déjà au courant, c’est d’ailleurs pour ça que j’étais là… Sa réponse ne m’avançait donc pas du tout, puisque ça ne confirmait pas la présence de ma sœur ici ou non… Je détournais donc de nouveau les yeux, scrutant la foule en essayant d’oublier les murs…

Lorsque la rousse repris la parole, je me tournais vers elle et constatait enfin son air… avenant ? Aguichant ? En tout cas, sont comportement montrait clairement qu’elle voulait plus qu’une simple conversation. Et ses mots confirmèrent ma pensée lorsqu’elle m’appela « mon beau Soumis ». Cette expression m’arracha un sourire malgré moi, sourire qui s’élargis lorsque je compris qu’elle ne connaissait ma sœur que via des rumeurs. La plupart des gens ne la connaissait que via des rumeurs, et elle faisait tout pour que ça reste ainsi.

Reportant complètement mon attention sur Rose, je lui répondis en entrant malgré moi dans son jeu. C’était devenu un reflexe quand il s’agissait de ma sœur en fait… Tant qu’on ne l’insultait pas devant moi, de quelque façon que ce soit, je jouais son jeu en alimentant les rumeurs.

« Si on veut. Que dises les rumeurs à son sujet ? »

Je ne comptais pas dire à la demoiselle que Kat était ma sœur, ou du moins pas tout de suite. Je préférai attendre de voir comment les choses allaient évoluées.

Je remarquais bien qu’il n’était pas du tout à l’aise. Il aurait fallu être aveugle pour ne pas le remarquer. Mais c’était plus fort que moi. Je comptais le retenir encore un moment. Alors, tous les moyens étaient bons pour ça. Je n’allais pas me dégonfler, pas cette fois. J’allais tout faire pour que mes habitudes ne ressortent pas et c’était plutôt bien parti puisque je n’étais clairement pas dans mon état normal. De là à savoir d’où me venait ce comportement étrange, c’était une tout autre affaire. Pour l’instant, de toute manière, j’avais une mission. Quand il me demanda ce que j’avais entendu au sujet de Katarina, je haussai les épaules. Quelle question ! Tout le monde disait la même chose à son sujet et c’était bien plus que des rumeurs. « Tu ne sais pas ? Tu dois bien être le seul Soumis à ne pas être au courant. » Je ne me moquais pas. Je démontrais une réalité. Il y a une véritable nuance. « Elle est volage. Disons qu’elle aime s’amuser, pour dire ça comme ça. » Tout le monde le savait. Tout le monde le disait. Ce n’était plus un secret, sauf pour lui. « Elle trouve souvent ses proies ici. Enfin, je dis proies mais je ne sais pas comment ça se passe pour elle. » Au moins, j’étais franche. « Pas que je l’apprécie, on ne sait connaît même pas, mais ce qu’elle fait ne me regarde absolument pas. » Au moins, ça avait le mérite d’être clair. Je n’étais pas fausse. Je n’étais pas méchante non plus. « Mais dis-moi, tu la cherches à quel sujet ? Parce que tu as l’air particulièrement à cran. » Je lui prenais la main, comme pour le rassurer, mais jouant de la mienne. Je n’étais pas jalouse. J’étais juste bizarre. Je n’étais pas amoureuse. J’étais juste étrangement attirée par un Soumis alors que je ne m’attarde jamais à ce genre de détails en temps normal.

Evidemment, je passais pour l’ignorant de service, mais la demoiselle ne sembla pas s’en formaliser, répondant patiemment à ma question. Une fois encore, elle ne m’apprenait rien de nouveau quant à ma sœur… C’était à la fois décevant et rassurant. Décevant car il n’y avait rien de nouveau justement, et rassurant car cela signifiait que Kat se tenait apparemment à carreau pour le moment, et vu les tensions palpables sur le territoire c’était plutôt une bonne chose.

Rose continua sur sa lancée, et je perdis un peu le file de ses pensées jusqu’à ce que sa main se pose sur la mienne dans un geste qui en disait long sur ses intentions. Je fixais un moment nos deux mains en réfléchissant à la meilleure réponse. En fait, savoir qu’il n’y avait de nouvelles rumeurs qui s’étaient répandues comme une trainée de poudre sur ma sœur me rassurais assez, et j’eu soudain envie de profitez un peu de la situation. Après tout, Kat était une grande fille, je pouvais bien la retrouver un peu plus tard, non ?

Resserrant légèrement ma mes doigts sur ceux de Rose, je me penchais légèrement vers elle et lui glissais à l’oreille.

« Curieuse. »

Je me redressais et récupérais ma main, un sourire de défi aux lèvres. La demoiselle voulait jouer ? Et bien nous allions jouer.

« Tu m’as demandé tout à l’heure si j’étais tout seul, je te retourne la question. Qui à osé abandonner une jolie demoiselle en ce lieu si peu fréquentable ? »

Et c’est partit, voyons jusqu’où elle semblait prête à aller.

Il ne me répondait pas au sujet de son inquiétude concernant Katarina mais qu’à cela ne tienne, c’était son choix. Je n’allais pas le forcer. Surtout s’il était mal à l’aise concernant une nuit avec la volage du clan, pour ne pas l’appeler la pute du clan. Je supposais que ça arrivait, que certains Soumis regrettent d’avoir passé la nuit dans le même lit que cette fille. Pas que je m’y intéresse… L’idée même me mettait mal à l’aise. Alors, il valait mieux mettre rapidement cette image très loin dans ma tête et me concentrer sur Remy, justement. Il jouait le jeu. Ça, par contre, c’était franchement intéressant. Ça me fit sourire, encore plus amusée. Il me flattait ? De la séduction sans doute. En temps normal, je n’aurais pas réagi. Là, c’était un jeu que j’avais entamé, alors, forcément, c’était autrement plaisant. Cela dit, on voyait tout de suite qu’il ne me connaissait pas. « Si je suis avec quelqu’un ? » Je rigolai, sans moquerie. C’était spontané. Un rire presque enfantin. Typique de ma part. « Je me suis abandonnée toute seule ici. Je n’étais jamais venue ici alors j’ai voulu tenter. » C’était une façon particulière, ma façon, de dire que je n’avais personne. Pas que ça me dérangeait. Non, je n’étais pas désespérément à la recherche d’une idylle. Je vivais très bien le célibat. Et puis, sincèrement, est-ce une priorité pour une Membre, jeune de surcroît ? « Surpris ? » Je hochai la tête, ma main toujours contre la sienne.