I need to see your truth in your eyes

Jour 5 - Dans la matinée.

Depuis un moment, il me semblait que je me contrôlais beaucoup mieux. Les cauchemars se faisaient moins nombreux et je dormais, du coup, relativement mieux. Était-ce parce que je m’étais enfin délivrée de ce lourd fardeau ? Je ne l’avais pas dit à tous ou du moins pas directement mais j’avais pu au moins en parler avec une personne. Une personne de confiance, qui plus est. Ezekiel savait comment s’y prendre. Il s’était montré ni trop gentil ni trop blessant ou trop ferme. Il avait réussi à amener le sujet sans trop de cassure. Ce n’était clairement pas donné à tout le monde. J’en étais consciente. C’est pour ça que je ne parvenais pas à en vouloir à ceux qui ne savaient comment s’y prendre avec un cas comme le mien. Je pensais à tout ça alors que j’aidais encore pour l’un ou l’autre détail concernant les travaux. Nous devions nous relever et nous le ferions, j’en étais persuadée. Si je pouvais me relever, le clan le pouvait aussi. Et en aidant à sa reprise, je me soignais par la même occasion. Cette pensée me réchauffa le cœur et me fit sourire, dans le vide, comme ça. « Ça avance avec Roxanne ? » J’en avais presque oublié que Logan était à deux pas de moi. J’atterris sur terre, me tournai vers moi et me frotta bêtement la nuque. « Désolée, j’étais ailleurs. » Ce que j’avais l’air idiote à ce moment-là. « Ça avance. Elle est vraiment chouette comme Mentor. Noâ a fait un vrai bon choix. » J’en étais convaincue. Roxanne me donnait de bons conseils et elle ne tirait jamais la tête. Si on y mettait toutes les deux de la bonne volonté – ce qui était le cas – il n’y avait aucune raison pour que ça échoue. J’y croyais dur comme fer. « Dis-moi, Logan, il y a quelque chose qui t’énerve ? » Je n’osais pas le lui demander mais depuis un moment, il avait l’air à cran. Je m’en étais rendue compte depuis l’autorisation de se défouler sur Abel mais à ce moment-là, j’étais moi-même dans un état second. « Pourquoi tu dis ça ? » Comme toujours, il éludait mes questions. Il n’était pas stupide. Il savait de quoi je parlais. Il ne voulait tout simplement pas répondre. « Je t’ai déjà vu t’énerver mais là, c’est différent. Bah, laisse tomber. » Je ne voulais pas insister. Pas pour le moment. Je voulais profiter, tout simplement. « Je dois y aller. Évite de te fatiguer. » Heureusement, à ce niveau-là, il était le même. Le Logan qui me disait de faire attention. « Promis. » Je n’allais pas lui dire d’en faire de même, il ne m’écoutait jamais. Alors, je lui répondis d’un simple sourire, chaleureux comme à mon habitude.

Je me perdis à nouveau dans mes songes, quelques secondes seulement, en le regardant partir. C’était plus fort que moi. Ça avait un effet apaisant sur moi. Jusqu’à ce que, en bougeant, je ne croise la silhouette d’un Membre qui nous avait trahi l’espace de quelques minutes ou secondes. Je n’en sais trop rien. La rumeur stipulait seulement qu’il avait pris la main que lui avait tendue Abel. Forcément, pour moi, c’était inimaginable. Je ne pouvais concevoir trahir les miens et encore moins avec un être aussi fourbe que lui. Je sentis mon cœur manquer un battement, mon visage s’abaissant. « Sois forte, Alice. » Je m’étais répété ça à voix basse pour me donner du courage. Je ne devais plus laisser autant de place à de tels démons. Ce serait jouer dans leur jeu, à nouveau. Et je le refusais catégoriquement. Alors, il fallait y aller en douceur. Lui faire face à lui aussi. Peut-être même essayer de voir ça sous un autre angle. Après tout, c’est ce qui faisait ma force. Je pouvais trouver la faille positive dans toutes les horreurs, exceptée celle de mon passé, bien évidemment. « Thiago. » Je n’étais pas froide. Mon ton était neutre. « Est-ce vrai ce qu’on dit de toi ? Au sujet de la rébellion. » Je ne pouvais pas encore prononcer le nom du rat qui nous avait trahi. C’était encore trop tôt, je crois. Désormais, je me tenais devant le Membre qui n’était pas sorti du cachot depuis si longtemps. « Je veux juste connaître ton opinion. » Encore une fois, je me montrais gentille. Je n’avais aucune mauvaise intention. Et cette fois, je m’étonnais moi-même. Je savais pourtant qu'il n'aurait certainement pas envie d'y répondre. Qui aurait envie de relater sa trahison ?

Au moins, il était sincère et il ne tournait pas autour du pot. Je pouvais bien lui reconnaître ces qualités. Il ne se cachait pas. Il avouait sa trahison mais au lieu de simplement relater les faits, il me proposait sa version des faits, ce que j’avais demandé. Si c’était pour l’entendre dire qu’il avait trahi les siens, il m’aurait suffi d’écouter tout ce qu’on disait à son sujet. Après tout, s’il avait été emprisonné pendant ces trois jours, ce n’était pas sans raison. Non, je ne voulais pas apprendre ce que je savais déjà. Si je craignais bien quelque chose, c’était de m’être tourné trop vite vers lui. La plaie ne devait pas encore être refermée, encore moins guérie. Seulement, le croiser là, alors que d’autres le fusillaient du regard sans rien dire et dans une ambiance aussi lourde, m’avait forcé à foncer et à y aller spontanément, cette fois. Je ne voulais pas le blâmer. Je voulais comprendre. Cela ne m’a pas empêché de l’avoir jugé quand je l’ai appris. Je m’en voulais même si c’était humain. « Je fais confiance à Noâ. » Oui, je lui faisais confiance. Forcément, une phrase comme ça au beau milieu d’une discussion plus grave n’avait pas beaucoup de sens si je ne rajoutais rien. « Si tu avais été fidèle à Abel… » J’avais encore bien du mal à prononcer ce nom. Ce monstre ne me hantait plus mais son nom avait le don de me brûler les lèvres. « Elle l’aurait remarqué et tu n’aurais pas pu sortir au bout de trois jours. Elle t’aurait tué comme les autres traîtres au clan. » Qu’est-ce que ça pouvait bien lui faire ? J’essayais de lui faire comprendre qu’il pouvait être reconnaissant parce qu’il n’était pas vu comme un monstre par notre Chef mais je voyais bien tous ces regards qui l’épiaient. « Abel est fourbe. » Je le savais. Il suffisait de me rappeler ces derniers mots avant que Roxanne ne se place entre nous lors de notre dernière rencontre. « Mais si Noâ croit en toi, je crois en toi aussi. » Je me rapprochais de lui, lui tendant ma main en guise d’invitation. « Si tu veux parler, tu peux. Je n’ai pas l’habitude de m’arrêter sur les rumeurs. » Allait-il prendre la main que je lui tendais ? « Au fait, moi, c’est Alice. » Peut-être finalement que parler à une inconnue serait plus facile ?