The ice is getting thinner
Jour 3 (fin de journée) - PV Axel

La journée avait été... Intéressante. Tôt dans la matinée, Oli lui avait offert un promotion dont il ne pouvait pas encore parler, ensuite, il avait assisté au test visant à élire la nouvelle Fine Lame en compagnie de Gaspard, puis, il s'était finalement rendu sur le territoire des Jaguars du Sud pour aider. Son état de santé était encore précaire et il n'avait fait que donner quelques coups de main au dispensaire, mais il ressentait toujours ce besoin impérieux d'aider le clan voisin malgré sa fatigue. Il était idiot de trop forcer, il le savait, mais tant qu'il tenait debout, il estimait qu'il s'agissait d'un bon compromis. Il pourrait toujours s'offrir une bonne nuit de sommeil quand il serait de retour à la maison. Il marchait d'ailleurs vers les frontières avec un petit groupe d'Aigles quand Curtis s'exclama.

- Hé, ce serait pas ton frère ?
- Impossible, il était de service.

Le blond avait répondu machinalement sans regarder l'endroit que Curtis lui désignait de la main. Dans sa tête, on ne pouvait parler que de son cadet. Nathan boudait toujours depuis la prise de pouvoir de Eli et Axel... Sincèrement, pourquoi Alex serait-il venu aider les Jaguars ? Non, l'autre Membre devait se tromper.

- Pourtant, il ressemble comme deux gouttes d'eau à Axel. Il a un jumeau ici ?

La moquerie était sortie de la bouche d'une Soumise vers qui Basile se tourna, passablement surpris, avant de concentrer son attention sur l'endroit qu'avait désigné Curtis. Ben ça. C'était bien Axel qui se trouvait là-bas. Avalant la surprise, Basile passa la main dans ses cheveux pour les repousser de son visage avant de souffler légèrement. Incroyable. Il avait l'impression de découvrir complètement son grand-frère depuis la rébellion.

- Rentrez sans moi.

Il lança un vague signe de la main aux autres et commença à marcher pour rejoindre Axel. Il n'allait pas juste le nier après avoir constaté sa présence, ce n'était pas son genre. En plus, ils rentraient dans la même maison, c'était une raison de plus de faire la route ensemble. D'une certaine façon, Basile était aussi un peu curieux d'en savoir plus sur les raisons qui avaient poussé son aîné à venir au Sud.

- Salut. Dingue de se croiser ici.

L'inquiétude avait eu raison de lui ce matin-là. Il s'était levé avec une rapidité qui le caractérisait. Un morceau de pain en guise de déjeuner et un sac pour un repas dans l'après-midi.

- Je suis de garde toute la journée. M'attendez pas.

Ce n'était pas vrai, bien entendu, mais le blond avait préféré éviter de parler de ses intentions. Il avait simplement prit la route du territoire Jaguar et avait mis son brassard à la frontière en se laissant docilement fouillé. Puis avait filer pour trouver celui qu'il cherchait. L'élection de la nouvelle fine lame ne l’intéressait pas plus que ça et lui garantissait de ne croiser personne de sa connaissance en territoire félin, voir pas du tout, ce qui au final l'arrangeait. Il avait prit cette journée de repos pour se rendre utile.

Certaines choses avaient considérablement changées chez lui. Ce n'était pas flagrant pour ceux qui ne le connaissait pas, mais les changement étaient pourtant bien là. Et lorsqu'il se redressa pour s'étirer et regarder où lui et Syd en étaient rendus dans leur tâche, la voix de Basile l'interrompu. Il pinça les lèvres et plissa le nez, démontrant parfaitement son envie de ne pas voir quelqu'un de sa connaissance, surtout pas un membre de sa famille... Pourtant l'Aigle se retourna lentement et regarda son cadet avec un certain malaise d'enfant prit sur le fait.

- Hey... Ouais... Euhm... J'imagine que c'est l'heure de rentrer. Laisse moi deux minutes j'arrive.

Axel combla les quelques mètres entre lui et le jaguar, lui parla quelque minutes et après un au revoir particulièrement maladroit, le gardien prit son sac désormais vide et retourna rejoindre son petit frère sans trop savoir quoi dire. Il prit lentement le chemin de la maison en serrant les dents. Pas par colère, mais plutôt de gêne. Il n'avait pas reparler au plus jeune depuis l'incident de l'entrepôt.

- T'as l'air plus en forme...

Sa main passa dans ses cheveux pour les dégager de son visage dans un geste semblable à Basile et il se racla la gorge ne sachant trop quoi ajouter. Ils avaient tellement toujours été si différents, incapables de s'entendre ou de vraiment communiquer que cette situation était... Perturbante. Mais les choses l'étaient énormément depuis un certain temps, alors il commençait à s'y faire. Mais il fallait tout de même avouer qu'Ax' ne savait toujours pas comment agir avec son cadet. Et que ce dernier soit venu vers lui le laissait septique. En même temps, c'était une chance de voir où en était les choses entre eux. Et l'Aigle ne voulait pas laisser cette chance filer. Et ce aussi surprenant que cela soit.

Axel était vraisemblablement tout aussi décontenancé de voir son frère dans les parages que Basile l'était. Un malaise certain régna entre les deux blonds durant un moment et même si le cadet souriait, ses lèvres étaient légèrement crispées. Il ne savait toujours pas comment se comporter exactement en présence de son aîné depuis les entrepôts. Surtout en terrain neutre comme ici. Ils n'étaient pas à la maison, au sein de leur famille, mais chez les Jaguars. Peut-être n'était-ce pas une mauvaise chose en réalité de sortir un peu du cercle des habitudes. A sa grande surprise, ce fut Axel qui fit le premier pas pour amorcer un retour côte à côte chez les Aigles. Basile hocha simplement la tête, confus, et le regarda se diriger vers un Jaguar qu'il ne connaissait pas. Il ne savait même pas que son frère connaissait un Jaguar. Bon sang, mais que savait-il sur lui au final ? Il passa à nouveau une main maladroite dans ses cheveux. Il n'avait décidément pas été un frère très digne ces dernières années. Lydie avait raison. Elle avait toujours raison. Elle lui avait comprendre qu'il ne faisait pas assez d'efforts avec Axel et lui, comme un idiot, avait prétexté que son frère n'en faisait pas plus et qu'ils étaient peut-être juste trop différents pour s'entendre. Mais peut-être l'avait-il juste jugé sans chercher à comprendre plus loin les raisons des changements dans le caractère de son grand-frère. Encore une fois, Axel fit un geste pour lui tendre la main. Il avait l'air de chercher à raccrocher la corde. Ou l'accrocher tout court au final. Dans tous les cas, Basile ne voulait pas laisser passer cette chance, il comptait bien prendre cette main qu'on lui proposait, nouer cette foutue corde.

- Doucement, ouais. Lydie me force à manger et à boire super régulièrement en petites quantités. Elle pourrait monter un véritable programme de remise en forme, qui l'aurait cru.

Un rire s'échappa de ses lèvres avec une pointe de nervosité, mais il n'était pas faux. Basile commençait juste à se détendre. Il déglutit le peu de salive qu'il avait en bouche avant de continuer pour éviter de laisser un silence planer trop longtemps.

- D'ailleurs, elle n'était pas ravie que je vienne ici. Elle m'a passé un sacré savon et elle était à deux doigts de me suivre. J'étais pas trop chaud, certains Jaguars sont parfois un peu lourds. Gentils, je dis pas, mais voilà. J'aurais pas voulu que quelqu'un vienne l'emmerder.

C'était toujours un peu étrange de changer d'habitude après quelque années à adopter la même routine encore et encore. Surtout que la tension et la mésentente entre lui et Basile ne datait pas d'hier. Son frère avait toujours été un tendre et lui... Lui ne se rappelait pas spécialement de la dernière fois où il avait fait quelque chose de vraiment sympathique. Il n'était pas du genre à aller vers les autres. Et ne se privait pas de violence pour arriver à ses fins... Il n'était donc pas si étonnant que les deux blonds ne se soit jamais vraiment bien entendu.

Et pourtant... Ce n'était pas les tentatives qui manquaient. Enfin qui avaient manquées. Parce qu'après la mort de Tim, les choses étaient devenues plus compliquées. Axel s'était refermé sur lui même. Et avait repoussé tout le monde loin de lui avec hargne. Pas si surprenant donc que les chances de se lier aient été réduites à néant. Et même si Lydie lui avait souvent fait les gros yeux, le Gardien s'était contenté de faire comme s'il n'avait rien vu. Il avait ses raisons et il tenait à les garder pour lui.

Mais, tellement de choses avaient changées depuis quelques semaines. Déjà avec Syd. Ensuite... Dans sa tête. Mais il fallait bien avouer que le Jaguar en était responsable et ce, en grande partie. Il mettait du calme dans le bordel qui composait son fil de pensée.

Ensuite avec son petit frère. Il avait eu particulièrement peur de le perdre. À vrai dire, Ax' songeait parfois que si le plus jeune ne s'en était pas remis, lui-même n'y aurait pas survécu. Il avait eu le temps de méditer sur le sujet. Il avait eu le temps de songer à ses actes, à son attitude général. Bien entendu, il ne changerait pas. Non ça... Il doutait en avoir la force. Où même l'énergie nécessaire pour.

Mais ayant toujours été du genre à réfléchir, souvent beaucoup trop pour son propre bien, il avait eu suffisamment d'expérience pour en venir à une finalité qu'il n'avait pas vraiment eu le choix d'accepter. Il devait faire au minimum... Encore un seul effort. Et lorsqu'il en avait parler avec Lydie, le sourire qu'il avait eu en réponse lui avait confirmer que sa décision était la bonne.

Ses liens avec sa famille avait tout de même prit un sacré coup à la mort de Tim. Et le visage de ses proches en larmes devant le corps mutilé de son frère... Avait achevé de le conforter dans sa solitude. Il ne méritait pas de réconfort et devait porter son deuil et surtout ses fautes... Seul.

Avec Nathan ça avait été plus compliqué. Parce qu'il avait cette fâcheuse tendance à le couver. Particulièrement intensément depuis le décès de Tim. Alors, il avait sérieusement prit ses distances, à la limite de l'indifférence à son sujet. Avec ses parents... Ça avait été une toute autre paire de manches. Son père s'était fâché, sa mère avait pleuré et lui avait finit par leur hurler par la tête qu'il ne voulait plus qu'on le compare à Tim avant de claquer la porte et de ne revenir que trois jours plus tard où tout le monde avait fait comme si de rien n'était. Mais c'était à partir de ce moment-là que les gens autour de lui avaient finit par le considérer comme celui qu'il croyait être. Un enculé. Un salopard. Un connard. La seule chose qui n'avait pas changer, c'était sa relation avec Gaspard. Ce dernier ne posait pas de questions et continuait d'agir avec lui comme si tout était normal. Sans doute la réaction la plus sensée au final...

Sauf que les choses changeaient. Aussi incertain soit-il... Axel croyait sincèrement qu'il devait de nouveau tenter de se rapprocher de Basile. Parce qu'en même temps la peur de le perdre lui avait fait réaliser une chose ; même s'il voulait faire croire au monde entier qu'il n'était qu'un connard sans cœur, il aimait réellement ses frères. Et il serait d'autant plus apte à les protéger s'il les connaissaient. Bon, ça ne signifiait pas que les choses deviendraient roses du jour au lendemain, mais s'ils pouvaient au moins se parler sans se hurler par la tête ce serait tout de même un succès.

- Ouais... Lydie est assez redoutable dans son genre... Une chance qu'elle est à la maison. En même temps elle a raison Basile, tu ne devrais pas être ici, pas après ce qui s'est passé... On à déjà perdu...On à déjà perdu T... Tim. Je ne crois pas qu'un autre soit le bienvenue tu sais.

Son regard fixait obstinément le sol devant lui alors qu'il continuait d'avancer. L'aigle avait encore beaucoup de mal à prononcer le nom de son frère ainé à voix haute et encore plus à concrétiser sa mort verbalement.

Mâchoire serrées, il inspira un coup, retint son souffle et expira doucement, jamais, mais au grand jamais, il n'avait reparlé de la mort tragique de leur frère depuis qu'elle était survenu. Ax' était beaucoup trop refermé sur lui-même pour le faire. Le gardien lança un regard en coin à son petit frère avant de soupirer. Le blond sorti une gourde d'eau de son sac et la tendit à son cadet.

- J'imagine que tu n'as pas vraiment pris la peine de boire aujourd'hui ? Tiens. Prend-là. Elle est tiède, mais ça reste de l'eau.

Le silence retomba. Malaisant, comme souvent quand il se retrouvait en présence de membres de sa famille qui n'était pas Lydie. Axel ne savait pas trop quoi dire de plus et réajusta la bretelle de son sac en travers de son épaule avant de remettre ses mains dans ses poches.

Lydie avait raison. Toujours. Basile aurait été bien incapable de dire le contraire alors son sourire s'agrandit même si l'attitude de couvaison qu'il subissait de la part de tout le monde ces derniers temps lui hérissait un peu le poil. Ils avaient été sacrément inquiets, il pouvait le comprendre, mais son humeur n'était pas forcément au beau fixe. Les épreuves traversées l'avaient laissés un peu grognon, à cran, même si ça allait de mieux en mieux. Avec chaque journée qui commençait, c'était comme s'il se réchauffait pour redevenir celui qu'il était vraiment et que la situation avait amoché. Quand Tim fut mis sur le tapis, son sourire se fana. C'était un sujet dont on ne parlait pas beaucoup parce qu'il était encore douloureux et c'était encore plus étrange d'entendre tout ça venir d'Axel. En même temps, cela permis à Basile de se rendre compte d'un détail pourtant crucial. Il n'avait pas compris à quel point il avait dû foutre la trouille à ses proches. Ils étaient toujours meurtris depuis la mort de Tim, alors une piqure de rappel avec lui était vraiment mal avisée. Pour ça, il se sentit coupable même si ce n'était pas vraiment de sa faute. L'histoire des entrepôts du moins. Il avait juste fait son boulot de Membre là-bas. Pour la punition, c'était une autre paire de manches. Incapable de trop en parler, il dériva rapidement hors du sujet Tim. Il était toujours partagé entre colère et tristesse dans ces moments là et ça lui rappelait bien trop que Michael respirait encore le même air que lui, se fichant comme d'une guigne des conséquences qu'avaient eu son petit jeu.

- Je sais... Mais j'arrive pas à rester inactif. Je peux pas rester tranquillement dans mon lit alors que c'est la misère à côté.

Il n'aiderait personne en se tuant à la tâche, ça aussi il le savait, mais c'était plus fort que lui. Le pire, c'était que son emploi du temps n'allait pas s'alléger à l'avenir. Il lui faudrait vraiment apprendre à se ménager s'il voulait tenir le coup. Tout un programme. Avec surprise, Basile vit une gourde tendue vers lui. Il l'accepta machinalement. Décidément, on partageait souvent de l'eau avec lui ces derniers temps. Lâchant un merci du bout des lèvres, il bu lentement quelques gorgées. Axel avait raison, mais il se voyait mal le lui dire. C'était inutile de toute façon puisqu'il savait. Ouais, il faudrait vraiment qu'il prenne plus soin de lui pour que les autres n'aient plus à le faire. Le silence retomba et le blond se demanda de quoi il pourrait bien parler. Il n'était pas très doué avec le silence, surtout un silence aussi tendu. Un peu au hasard, il se décida à partir à la pêche aux informations. Pour apprendre à connaître son frère, il fallait bien commencer par quelque part.

- Je savais pas que tu avais un pote ici. Tu le connais depuis longtemps ?

Il parlait bien sûr du grand brun de tout à l'heure. Le sujet lui semblait suffisamment anodin pour ne pas entrer directement dans une sphère que Axel jugerait trop intime, mais il se trompait peut-être. Il avait pris en compte cette possibilité. Au pire, il se rétracterait vers autre chose.

Ça n'avait jamais été leur fort de s'entendre. Ils ne pensaient pas de la même manière. Ils n'agissaient pas de la même façon. Gaspard et lui c'était mieux. Quelques hochements de tête et les choses étaient réglées. Avec Nathan... Avec Nathan rien du tout. Il était carrément insupportable de base, mais avec la disparition d'un de ses cadets il étaient devenu infernal, toujours sur son dos et franchement, Axel se demandait ce que Nath pouvait bien envisagé de pire pour lui qui ne risquait pas d'arriver aux autres.

Mais si c'était compliqué avec ses parents aussi, c'était une affaire classée depuis longtemps avec Basile. Le gardien ne se rappelait pas du moment ou lui et son frère avait eu un accord plus ou moins tactique de ne simplement plus s'adresser la parole sauf si nécessaire et d'éviter de se retrouver à la même place pour bosser. C'était arrivé et puis voilà.

Ça leur avait convenu longtemps. Ça diminuait les cris, les portes claquées et les séjours chez Ayana. Ça diminuait aussi les bagarres avec son père. Parce que lui et le patriarche c'était devenu une guerre ouverte, on lui reprochait de ne pas pleurer Tim. Mais, au fond peut-être était-il celui qui souffrait le plus de sa perte.

S'éloigner des siens lui avait convenu durant une bonne partie de sa vie, mais la presque mort de Basile lui avait fait revoir les choses. Perdre un autre membre de son sang remettait les choses en perspective. Et il senti les frissons remonter le long de sa colonne rien qu'à repenser à la peur maladive qu'il avait eu en cherchant son petit frère au travers des tirs et de la fumée. Il avait été tellement terrorisé de ramener un autre cadavre à sa mère en larmes qu'il en avait perdu ses armes. Ce qui l'avait le plus effrayé c'était de l'avoir vu au loin sans savoir s'il respirait encore. Sans savoir si un autre deuil viendrait entaché sa vie. Basile n'était pas celui avec lequel il s'entendait le plus, mais c'était son petit frère, pas de beaucoup, mais la famille signifiait tellement plus qu'il ne le laissait paraître. Et la terreur de ne pas être arrivé à temps durant le trajet entre l'attaque et sa maison lui avait sembler encore plus long que l'année qui s'était écoulée.

Les choses avaient été repensées. Remises sous d'autres angles. Il ne voulait toujours pas quitter son poste d'enculé, mais il ne souhaitait plus laisser croire à ceux qu'il aimait, qu'il le haïssait. Si ça avait été simple avec sa mère et Nathan (qu'il mettait toujours autant d'énergie à éviter), ce ne le serait certainement pas avec le blondinet qui marchait à ses côtés.

Et il y avait Syd. Syd qui rendait tout plus simple, plus beau, plus facile. Il ne pu pourtant s'empêcher de lâcher un rire, discret, mais présent à l'affirmation de Basile. Oh ça il le comprenait.

- Honnêtement, je crois que c'est dans notre sang. Ils peuvent bien te sermonner comme ils veulent à la maison, aucuns d'eux n'est mieux placer pour parler. Sauf Lydie. Elle a toujours raison elle. Et elle ne parle même pas.

Le membre repoussa les mèches qui lui tombaient dans les yeux et se racla la gorge en entendant la question. La pointe de ses oreilles prirent une teinte rouge, signe marquant de sa gêne.

- On dirait que tu crois que j'ai pas d'amis en dehors d'Ayana et Seth. Y'a des gens qui sont capable de m'endurer tu sais. Il tentait de plaisanter pour se laisser le temps de trouver les mots. Il ne pouvait pas le repousser et répondre sèchement, pas après qu'ils aient réussi à faire un pas rien qu'en se parlant.- J'ai demandé un brassard à Seth. Je n'aime pas rester inactif non plus. Ouais, il s'appelle Syd. C'était un des amis de...

De Tim. C'était un des amis de son frère. Pourquoi chaque fois qu'il se retrouvait avec les vivants, il pensait aux morts ? Cette constatation l'agaça et il tenta de reprendre sa phrase en chassant la peine pour le moment, pour se concentrer sur son cadet, pour se concentrer sur la vie, plutôt que le deuil.

- Ça dois faire 4 ans que je connais son existence, moins d'un an qu'on se parle et qu'on se voit. Je voulais juste être certain qu'il était encore en vie après tout ça.

L'aveu lui échappa sans qu'il ne puisse le retenir et il toussa pour camoufler son malaise pourtant évident. Cette journée était étrange. Sous plusieurs angles. Avec Syd ça avait été étrange, avec Basile ce l'était aussi. Être social ne lui réussissait pas si bien, mais il tâchait de faire ce qu'il pouvait avec les années de mur qu'il avait mis entre lui et son petit frère.

- Et toi t'as beaucoup d'amis sur le territoire ?

À vrai dire, il ne doutait pas une seule seconde que la réponse serait positive, il voulait simplement détourner l'attention de ses oreilles rouges et de son malaise. Peut-être Basile ne le verrait-il pas.

Mais ce n'était pas ça le plus marquant et ça l'Aigle ne semblait pas le comprendre. Sa simple attitude était différente. Axel semblait plus calme, moins tourmenté et plus ouvert, au moins pour sa famille. Il ne semblait plus aussi renfrogné qu'avant. À vrai dire, le blond semblait plus vivant qu'il ne l'avait été depuis longtemps.

Mais, pas suffisamment pour avouer qu'il avait eu peur pour Basile, que le trajet avait été aussi terrible que l'attente du retour de Tim. Qu'il avait passé la nuit assis auprès de son cadet inconscient. Non. Et probablement ne le dirait-il jamais non plus. Certaines choses n'étaient pas faites pour changer. D'autres si...

Le rire d'Axel était quelque chose que Basile n'avait plus entendu depuis longtemps. Des années peut-être ? Un vrai rire comme celui-là, qui sortait tout seul, du moins. C'était aussi étrange que plaisant et il faillit bien marquer un temps d'arrêt dans sa marche, mais son corps continua tout seul parce qu'il ne voulait pas briser l'instant. Le moment était trop important pour qu'il se laisse dépasser par les émotions qui lui remuaient le ventre et formait une boule présente, mais pas réellement désagréable dans sa gorge. Elle disparu pourtant bien vite lorsqu'il entendit le commentaire de son frère sur Lydie. La situation de la jeune fille n'était pas vraiment drôle et pourtant Basile rit et ajouta son grain de sel.

- C'est peut-être pour ça. Au moins, ça l'empêche de dire des choses qui lui donneraient tort. On devrait prendre exemple et tenter d'être muet de temps en temps, ça nous apprendrait sûrement une bonne leçon.

L'innocente question de Basile fit son petit effet et il jeta un coup d’œil à son frère, se demandant si c'était vraiment de la gène qu'il voyait chez lui. Étrange. Le sujet méritait sûrement d'être fouillé un petit peu avec des doigts délicats. Il ne voulait pas braquer Axel, mais depuis peu il était vraiment curieux de savoir de quoi était faite sa vie. Il baissa les yeux finalement, un peu mal à l'aise. L'endurer... Cela l'embêtait qu'il pense ça. Axel avait son caractère, mais ça ne voulait pas dire qu'il méritait d'être tout seul. Pourtant, le blond ne s'était jamais demandé s'il avait un bon groupe d'amis, des gens pour le soutenir, pour compenser le fait que le courant ne passait pas avec sa famille. Il ne répondit donc pas, ce n'était pas vraiment une question de toute façon. Il ne savait pas trop ce qu'il pensait et il ne voulait pas risquer de blesser son frère avec un commentaire qui au final n'avait pas d'importance. Les choses changeaient et c'était là-dessus qu'il voulait se concentrer. Il resta néanmoins attentif à la suite, les yeux fixant l'horizon sans rien y chercher de particulier. Son regard changea immédiatement de direction lorsque le prénom qui n'avait pas été dit résonna dans son esprit. Axel connaissait un ami de Tim ? Et il était devenu ami avec lui ? Mal à l'aise, il écarta ses mèches blondes de son visage. Tim avait toujours été le plus populaire de leur fratrie, il n'était pas étonnant qu'il ait eu des amis partout. Seulement, Basile n'avait jamais cherché à les retrouver contrairement à Axel. Encore une fois, cela le frappa : il le connaissait tellement mal. Après la mort de Tim, il s'était laissé aveugler. Il avait fait le vœux stupide de se venger de celui qui avait tué son aîné au lieu de sauvegarder ce qui restait de sa famille. Comment avait-il pu penser que cette histoire avait moins touché Axel ?

La question de son frère résonna dans l'air, mais il ne parvient pas à y répondre. Pas vraiment sûr de ce qu'il était en train de faire, il posa une main sur l'épaule d'Axel et s'arrêta. Puis, il l'attira contre lui dans une accolade serrée et qui lui semblait particulièrement maladroite, mais pas vraiment d'une mauvaise façon. Il ne savait pas comment dire tout ce qu'il se passait à l'intérieur de lui alors il le montrait de peur de voir Axel se refermer à nouveau.

- Je suis désolé. J'ai agis comme un con et j'avais des préjugés débiles. Je suis ton frère, j'aurais dû comprendre. J'aurais dû être là pour te soutenir plutôt de me laisser éjecter par tes défenses.

Un autre rire discret s'échappa de ses lèvres avant que son sourire ne se fane de nouveau ne laissant derrière lui qu'un coin de lèvre retroussée. Faire le muet ? C'était une des choses que sa famille lui reprochait. De ne jamais assez leur parler, de ne pas discuter. Les mots de son frère avait donc une connotation plutôt amusante quand on considérait qu'il était sans doute celui des siens qui lui en voulait le plus.

- Moi ça devrait aller pour ça. Faut le dire à Nathan et... Toi.

Axel lui lança un regard en coin espiègle. Il n'avait pas plaisanter avec son cadet depuis... L'avait-il seulement déjà fait ? Les souvenirs ne semblaient qu'offrir une réponse négative. Et ce ne fût pourtant pas la première fois qu'il se rendit compte à quel point lui et Basile avaient creusés un gouffre immense entre eux.

Le silence était quelque chose qui semblait être inévitable. Et le blond se demanda combien de non-dits subsistaient encore en eux. Probablement trop pour être éclaircit en une seule vie. Le gardien se demandait justement lesquels mériteraient d'être expliqué quand il aperçu l'autre blond ralentir du coin de l’œil. Lui-même finit par stopper ses pas en constatant que son cadet le regardait avec un air qu'il ne le lui connaissait pas. Comme s'il venait de comprendre quelque chose de vital. Comme si soudainement Basile avait eu l'explication qui manquait à un gros problème dans sa vie. L'Aigle fronça les sourcils, inquiet pour lui et s'apprêtait à ouvrir la bouche pour lui demander si tout allait bien, si c'était la chaleur qui le rendait mal, quitte à le transporter sur son dos une autre fois.

La main sur son épaule le choqua. Il fixa les doigts hâlés semblable aux siens. La chaleur du plus jeune le laissa perplexe. Normalement, ils s'engueulaient, ou s'évitaient, mais certainement pas...

Axel ne comprit pas comment il se retrouva prit dans l'emprise des bras de son interlocuteur. Les mots passèrent dans son esprit et coulèrent sur ses plaies. Ils lui firent mal de vérité. Trop crus, trop tangibles pour être faux. Il avait tenter de les repousser avec tellement de hargne. Et ça avait si bien marché. Il avait organisé avec succès l’échafaudage d'une carapace qui ne consistait pas à le protéger lui, mais les siens, parce qu'aussi connard qu'il puisse se faire passer, il n'en était pas moins qu'il aimait sa famille, du plus profond de son âme. Ce n'était même pas quelque chose qu'il pouvait discuter ou à laquelle il avait besoin de réfléchir. C'était pour protéger les autres de sa culpabilité, de ses fautes. Pas lui, lui méritait la souffrance, ce n'était pas nouveau.

Mais que Basile comprenne soudainement toute l'illusion qu'il s'était acharnée à monter autour de lui... Quelque chose vola en éclat. Sa confiance, sa force peut-être. Ax' se senti vulnérable durant un instant. Il avait donc fini par le comprendre ?

Ça tenait du miracle.

Qu'ils arrivent à se parler de la sorte. Sans trop chercher à briser cet instant décisif dans leur relation, l'ainé répondit à cette accolade. C'était maladroit et incertain, mais c'était réel. C'était entier. C'était deux frères qui tentaient de joindre les deux bouts d'une corde depuis longtemps rompue. Et il ne voulait pas laisser passer cette chance.

Non pas après avoir failli le perdre lui aussi. Il était con. Mais pas à ce point. Mais il ne savait pas quoi dire. Alors il ne prononça aucuns mots et laissa le silence reprendre ses droits. Laissant les émotions se déverser entre eux. Les malentendus se régler d'eux-même et la compréhension se faufiler dans leur esprit respectif.

Ça tenait du miracle.

Alors, il ne fallait pas briser ce moment. À aucuns prix. C'était donc là, dans un presque désert, aride et nu, après trois ans de conflits, qu'ils trouvaient enfin le moyen de se lier.