jour 5 - fin d'après-midi

Maxine doit avoir été un chien dans une vie antérieure. Parfois tu te poses de réelles questions sur l'humanité de cette fille que tout le monde voit normalement mais que tu ne peux t'empêcher de comparer à un chiot. Tu te gardes bien de parler de ça à quiconque sous peine de te voir égorger avant d'avoir pu cligner des yeux. Tu n'es pas une native, tu ne dois ton rang d'Aspirante qu'à un duel et la plupart du temps tu te fais oublier car tu n'es pas bête. Il serait donc stupide de paraître ainsi moqueuse avec une sorte de princesse au sang-pur, fille d'un Ancien Chef qui plus est. Mais Max est beaucoup plus que ça à tes yeux. Elle est ton amie. Tu pourrais même aller jusqu'à dire ta meilleure amie mais tu ne l'avoueras jamais face à elle car ça lui ferait bien trop plaisir. Puisqu'elle est ton amie, tu ne te comportes jamais avec elle comme tu te comportes avec les autres. Tu es moqueuse, tu uses et abuses de sa naïveté et il y a cette sorte de complicité purement fraternelle entre vous. Une complicité vache qui provoque parfois des explosions mais rien ne saurait te faire oublier ton attachement à elle. A ta façon tu la protèges. Ta façon se résumant bien souvent à la fourrer dans un pétrin monstre avant d'aller l'en tirer. A ta décharge, Max n'a pas vraiment besoin de quelqu'un pour trouver les problèmes alors que tu l'aides un peu ou non ne change pas grand chose. C'est juste plus fun. En attendant, tu te poses toujours des questions sur le machin qui se trouve en cet instant à tes pieds.

SAWYER – Max ?

Le silence s'étire mais la fille ne bouge pas. Tu laisses quelques secondes s'écouler alors que tu espères la voir se déplacer ou même grogner. Elle ne réagit pourtant pas. Mais tu sais qu'elle est éveillée et qu'elle agit juste de cette façon en espérant que tu vas abandonner. Tu bouscules sa jambe du bout de ta bottine.

SAWYER – Max ! La sieste c'est pour les bébés.

Titiller la fierté de cette grande enfant qu'est Maxine fonctionne à tous les coups. Ta main courre sur la cicatrice qui traverse ton avant-bras et un sourire narquois étire tes lèvres. Tu ne peux pas t'empêcher de corriger ta déclaration.

SAWYER – Et Loukas.

Tu es d'ailleurs presque certaine que cette histoire à un rapport avec la Spécialiste. Ce ne peut être un hasard que Max se mette à agir de la sorte à peine une nuit après votre petite discussion sur la brune.

A dog's tale
Jour 5 (fin d'après-midi) - PV Sawyer

Le sol n'était pas l'endroit le plus confortable au monde pour faire une sieste. Et, pourtant, Maxine avait vu Loukas dormir dans une ruelle quelques jours plus tôt et depuis elle avait ressenti l'irrépressible besoin de tester pour s'assurer de ne pas louper une phase de transformation en loup. Elle ne pouvait pas dormir par terre juste pour le plaisir, c'était stupide ou complètement masochiste. La Spécialiste ne paraissait pas particulièrement stupide à ses yeux, il devait donc y avoir une raison et cette raison ne pouvait avoir qu'un rapport avec l'histoire racontée par Sawyer. Le lieu de la sieste n'avait pas été choisi de façon aléatoire. Tout avait été calculé et Max avait sélectionné le pas de la porte de la maison de son amie en espérant qu'elle pourrait ainsi la prendre en charge si elle venait à arborer une forme animale. Il n'aurait pas fallu qu'elle se fasse tuer par accident.

Un certain temps passa. Recroquevillée sur le sol, Maxine cherchait le sommeil en ne cessant de changer sa position pour essayer de trouver une position plus agréable. Position qui était bien sûr inexistante. Quand la porte s'ouvrit, elle ne bougea néanmoins plus d'un pouce et attendit. La voix de Sawyer résonna, mais elle fit un très gros effort pour ne pas réagir. Pas tout de suite. La tentation de sourire était pourtant grande. Quand Sawyer commença à la tâter du pied, elle frisa son nez et fit la grimace. La brune devenait désagréable. Et elle était définitivement trop clairvoyante. Après un soupir dramatique, Maxine ouvrit les yeux et se vautra sur le dos pour être en mesure de regarder l'autre Aspirante qui la dominait de toute sa hauteur.

- Je suis pas un bébé, d'abord !

Jugeant qu'elle s'était assez roulée dans la poussière pour le bien de sa théorie, Max bondit sur ses pieds et fit face à Sawyer, les bras croisés sur sa poitrine et le sourire fier.

- Je ne comprends pas comment elle fait ! Il faut vraiment être magique pour dormir par terre. T'imagines la galère que ça doit être pour les Libres ?

Au moment où les mots étaient sortis, la jeune fille s'était rendue compte de son erreur. Bien sûr que Sawyer savait. Elle n'avait même pas besoin d'imaginer puisqu'elle avait été une Libre. Après une moue d'excuse, Max lui frappa doucement l'épaule.

- M'enfin ça ne doit avoir aucun rapport. Tu as dormi par terre et pourtant tu ne t'es jamais transformée en loup.

Ou du moins, Max n'en avait pas la preuve.

Max ne met pas longtemps à craquer. Comme toujours tu penses avec un sourire victorieux. Le soupir qui passe ses lèvres porte aussi la trace de l'habitude. Patiemment tu l'observes alors qu'elle continue à prendre le sol pour un lit. Tu ne te détournes que pour jeter un coup d’œil dans la rue et t'assurer qu'il n'y a personne. Tu ne t'inquiètes pas tellement de la réputation de Maxine mais tu ne crois pas qu'il serait bon pour toi qu'on apprenne que la fille de Martin se roule à tes pieds.

MAXINE - Je suis pas un bébé, d'abord !
SAWYER – Pour moi tu le seras toujours.

Tu lui souffles, un sourire narquois étirant à peine le coin de tes lèvres. Max retrouve un peu de sa superbe et elle redevient un humain décent aux réflexes acérés. En moins de temps qu'il n'en faut pour le dire elle est debout et te toise avec fierté. Son agilité te déroute toujours un peu et tu te demandes un instant comment elle fait pour ne pas avoir la tête qui tourne après ce changement brutal. Elle a les bras croisés sur le torse dans cette position qui devrait la rendre plus crédible mais te donne juste envie de rigoler après ce que tu as vu. En plus son sérieux ne dure jamais longtemps.

MAXINE - Je ne comprends pas comment elle fait ! Il faut vraiment être magique pour dormir par terre. T'imagines la galère que ça doit être pour les Libres ?

Fin de la minute sérieuse. Un jour tu compteras combien de secondes elle peut rester sans dire de conneries mais tu y penses toujours trop tard. Tu lèves les yeux au ciel face à sa question. Oui tu sais que c'est une galère et non il ne faut pas être magique pour ça. Il faut soit ne pas avoir le choix, soit être stupide. Ton mouvement oculaire te fait louper la moue coupable de Maxine. Tu ne te soucies plus vraiment de ta vie de Libre et de la façon dont tu as vécu pendant les huit premières années de ta vie de toute façon. Elle semble toujours plus mal à l'aise que toi à ce sujet. Le coup à l'épaule te surprends d'autant plus et tu coules à l'Aspirante un regard incisif mêlé d'interrogation avant de lui renvoyer un punch dans le torse. Coup pour coup.

MAXINE - M'enfin ça ne doit avoir aucun rapport. Tu as dormi par terre et pourtant tu ne t'es jamais transformée en loup.

Cette fois tu ne contiens plus ton sourire amusé. C'est beaucoup trop facile. La perche qu'elle te tend est presque indécente. Tu devrais être coupable d'abuser de la naïveté de la brune dès qu'il s'agit de toi mais non il n'y a pas une trace de remord en toi à ce sujet.

SAWYER – Tu sais Maxine on ne sait jamais. Peut-être que j'étais trop jeune pour ça et qu'il y a une certaine maturité à atteindre. Ou bien je ne m'en souviens pas.

Tu hausses vaguement les épaules avant de t'avancer pour fermer la porte derrière toi. Il faut que tu ailles travailler et tu ne tiens pas à être en retard. Tu dépasses calmement Maxine et tu commences à marcher dans la ruelle. Ne l'entendant pas te suivre tu lances un regard en arrière puis tu portes deux doigts à ta bouche pour siffler un coup et la faire réagir. Il ne manquerait plus que les idées que tu as glissé dans son esprit la fasse phaser.

- Aoutch !

La plainte échappa à Maxine avant qu'elle n'ait eu l'idée de la ravaler. Sawyer venait de lui envoyer un coup de poing dans le torse et elle ne pouvait pas s'en plaindre puisque c'était elle qui avait frappé en premier. Par contre, elle n'avait mis aucune force là où son amie ne s'était pas privée de taper. Elle fusilla la technicienne du regard en retour et frotta la place touchée en grommelant dans sa barbe. Ça se payerait. La mauvaise humeur ne resta pourtant pas bien longtemps, comme toujours elle se montrait bien incapable de manifester plus de quelques secondes un sentiment négatif à l'égard de Sawyer. Cette dernière était revenue sur la théorie de la louve et il était impossible pour Max de résister à cet appel. Estomaquée, elle fixa l'Aspirante avec des yeux énormes en se demandant si elle avait bien entendu. Elle n'avait pas rêvé ? La brune avait bien sous-entendu qu'elle était aussi peut-être une fantastique métamorphe ? Les idées se bousculaient dans sa tête et elle ne se rendit pas compte immédiatement que Sawyer avait déjà commencé à s'éclipser. Il fallut que cette dernière la siffle pour qu'elle sursaute et qu'elle se mette à trottiner instinctivement pour la rejoindre.

- T'es sérieuse là ? Tu crois que tu peux le faire aussi ?

C'était une possibilité à envisager qui ouvrait encore plus de possibilités particulièrement excitantes aux yeux de Max qui tournicotait autour de la brunette en se posant milles et une questions. Elle arrêta néanmoins de lui tourner autour lorsqu'une nouvelle question, toute autre, s'imposa dans son esprit.

- Mais tu vas où en fait ?

Et plus accessoirement : pourquoi était-elle en train de la suivre ?

MAXINE - Aoutch !

Sa plainte t'arrache une moue blasée mais tu ne manifestes rien verbalement. Il est inutile de frapper un ego qu'elle a elle-même meurtri en jouant les chochottes. A la place tu préfères la laisser bouder dans son coin car tu sais que l'instant ne durera pas longtemps. Max n'est pas la personne la plus apte à garder rancœur. La preuve encore cette fois où elle fit la tronche durant un glorieux deux secondes et demi. Ce n'est pas son meilleur temps mais on en était pas loin. Tu l'applaudis presque mentalement en cet instant. Presque. Sa performance aurait peut-être pu être meilleure si son cerveau n'avait pas percuté tardivement suite à ta déclaration. Le choc fut tellement fort qu'il la laissa dans le vague pendant un moment trop long qui fut brisé par un coup de sifflet auquel elle répondit avec un instinct complètement flippant. En parlant de métamorphe tu en avais un spécimen fabuleusement inconscient juste sous les yeux. C'est à croire qu'elle a été un chien dans une vie antérieure. Pas que ce soit réellement négatif. Les chiens étaient par le passé des animaux précieux pour l'Homme, de vrais fleurons de fidélité et de dévouement.

MAXINE - T'es sérieuse là ? Tu crois que tu peux le faire aussi ?

Peut-être ne devrais-tu pas l'encourager dans cette voix. Le moment serait bienvenue pour lui dire que tout ça n'est qu'une vaste fumisterie. L'idée t'effleure à peine pourtant. C'est bien trop drôle de la faire tourner en bourrique pour que tu arrêtes en si bon chemin. Surtout avec une histoire aussi croustillante qui la mènera sûrement sur le chemin de Loukas, t'offrant un spectacle grandiose. Tu te damnerais pour assister à une rencontre aussi épique. Maxine te tourne autour mais tu ne prête pas grande attention à ses gesticulations. Ce n'est pas quelque chose de nouveau, tu es habituée à l'avoir dans les pieds pour un oui, pour un non.

MAXINE - Mais tu vas où en fait ?

Tu connais quelqu'un qui n'a pas du dormir beaucoup cette nuit. Elle est décidément très excitée aujourd'hui. Tu n'es malgré tout pas dérangée qu'elle ait laissé tomber le précédent sujet pour revenir à la réalité. C'est encore plus pratique si elle s'enterre d'elle-même. Suite à sa question tu hausses simplement les épaules.

SAWYER – Travailler.

C'est plutôt évident mais ça ne semble pas l'être pour elle. Certes il est tard et la majeure partie des tâches se déroulent en journée mais quand il y a du boulot à l'armurerie la tombée proche de la nuit est un détail.

SAWYER – Tu as patrouillé aujourd'hui ?

Sawyer n'était bien bavarde, mais ce n'était pas quelque chose de nouveau. Même si elle pouvait parler beaucoup par moment, à d'autres elle n’émettait que des réponses monosyllabiques ce qui poussait Maxine à combler les blancs avec toutes les conneries qui lui passaient par la tête. Aujourd'hui, elle avait pourtant la curieuse impression que quelque chose n'allait pas. Au vu du peu d'expression que Saw affichait parfois, il n'était pas toujours simple de saisir son véritable état d'esprit, mais la patrouilleuse la connaissait suffisamment pour détecter les petits détails qui pouvaient faire toute la différence. Curieuse, elle se remit à marcher au côté de Sawyer et scruta avec attention son visage. Maintenant qu'elle était sur une piste, elle comptait bien l'observer pour ne plus rien laisser passer et ainsi comprendre ce qui la turlupinait.

- Rude ! Tu pense que tu en auras pour toute la nuit ?

Les Aspirants n'avaient généralement pas trop à se plaindre de charges de travail trop lourdes, mais Maxine ne pouvait pas vraiment témoigner. Certes, elle était Aspirante, mais elle était aussi native et cette donnée là entrait dans l'équation lorsqu'il était temps de calculer le nombre de temps que les gens devaient consacrer à leur tâche. Elle ne doutait ainsi pas que même si Sawyer travaillait une bonne partie de la nuit, elle devrait aussi assurer une partie du travail de la journée à venir.

- Non, j'étais de repos. Mais je prends ma garde au lever du soleil jusqu'au zénith demain.

Maxine était d'ailleurs toute excitée à ce sujet. Elle adorait assurer les gardes les plus matinales car cela lui permettait de voir la ville s'éveiller. Depuis la rébellion, il n'y avait pas toujours beaucoup à voir, mais c'était néanmoins un spectacle dont elle ne se lassait pas. Un sourire étira ses lèvres à cette pensée, mais elle se frappa mentalement pour se forcer à se recentrer sur ce qui comptait vraiment. Glissant son bras autour de celui de la technicienne, elle se rapprocha pour marcher contre elle et ainsi avoir à parler moins fort.

- Je trouve que tu as moins bonne mine depuis l'entraînement. T'es sûre que ça va ?

Maxine est sur une piste, tu le sens. Même si tu arrives à lui cacher certaines choses, elle te connait trop bien. Elle est même celle qui te connait le mieux si on omet tous les détails la concernant. Oui, Max sait qu'elle compte pour toi mais elle ne sait pas à quel point et elle connait à peine le prix que tu es prête à payer pour avoir la chance de te tenir simplement à ses côtés. Elle ne doit jamais savoir. Tu ne veux pas faire disparaître l'innocence encore présente en elle, tu ne pourrais jamais te le pardonner. Sous le feu de son regard, tu sais que tu vas devoir être plus attentive désormais. Peser un peu plus tes réponses et essayer de te comporter normalement malgré l'amertume qui te suit partout depuis quelques jours. Le fait que la conversation reste légère et basée sur des banalités aidera sûrement et tu comptes bien t'y cantonner.

MAXINE - Rude ! Tu pense que tu en auras pour toute la nuit ?
SAWYER – Probablement. Ils ont demandés un entretien de toutes les armes.

Ce détail n'est d'ailleurs pas anodin et tu es presque sûre que ce soudain empressement cache quelque chose. Il y a un truc qui se prépare et ce ne sera sûrement pas un tout petit évènement. Au vu de la position de son père, Maxine aurait pu être utile mais il lui parle rarement des choses avant qu'elles arrivent. C'est d'autant plus vrai depuis la rébellion et leur froid. Le sujet est assez sensible, tu évites donc de le remettre sur le tapis même si tu aimerais en savoir plus. Mais Maxine parlera quand elle en sentira le besoin, tu en es certaine.

MAXINE - Non, j'étais de repos. Mais je prends ma garde au lever du soleil jusqu'au zénith demain.

Tu hoches la tête en guise de réaction. Il sera donc difficile de vous croisez demain. Tu ne sais pas exactement pourquoi ça te tire un étrange fil de soulagement dans le ventre. Enfin si tu sais pourquoi. Si tu ne vois pas Maxine elle n'aura pas l'occasion de s'inquiéter pour toi, ni de mener plus profondément son enquête. Même si elle est facile à déconcentrer, Max sait aussi suivre une piste quand elle en tient une. D'ailleurs à la façon dont elle se rapproche soudainement, tu comprends qu'elle est sérieusement dessus. Elle s'accroche à ton bras et ta première envie est de la repousser mais tu te retiens et tu te raidis juste. Tu ne vas pas tout changer à cause de quelques ennuis. Tu n'aimes juste pas les signes d'affection en public. Tu essayes de t'en convaincre du moins. C'est en partie vrai mais tu n'étais pas à ce point là attentive avant.

MAXINE - Je trouve que tu as moins bonne mine depuis l'entraînement. T'es sûre que ça va ?

Elle frappe directement à l'endroit blessé. Merde ! Tu ne t'étais pas vraiment préparé pour ça parce que tu pensais que Maxine avait trop de choses en tête pour s'intéresser aux petits détails. Mais c'est Max, tu aurais pourtant du le savoir. Ce coup-ci, tu as fait une belle erreur. Mal à l'aise, tu décroches son bras et tu dévies un peu sur le côté pour mettre de la distance entre vous. Comment cette discussion si simple a-t-elle pu dévier de cette façon ?

SAWYER – Ouais. Je suis juste un peu fatiguée. Beaucoup de boulot, puis tu sais avec l'entraînement spécial et compagnie, ces derniers jours ont été longs.

Tu tentes de rassurer ta conscience en te disant que ce n'est pas un mensonge. Ce que tu dis c'est la pure vérité, tu omets juste tous les détails qui comptent vraiment. Ton esprit s'affole un peu parce que tu te doutes qu'elle ne s'arrêtera pas là alors tu lances lâchement le sujet douloureux.

SAWYER – Est-ce que ça va mieux avec Martin ?

Tu es une garce et à l'instant tu songes que tu ne mérites vraiment pas l'attention qu'elle te porte.

Maxine aurait probablement dû être plus attentive aux manœuvres au sein de son clan, mais elle ne l'était pas. Son enfance avec un père Chef de clan l'avait en quelque sorte blasée des intrigues politiques et elle avait fini par ne plus chercher à creuser la plupart des décisions des gradés contrairement à certains. Martin l'avait encouragé dans cette voie en ne parlant pas de tout ça avec elle et probablement avait-il de bonnes raisons pour cela. Elle ne releva même pas l'indice sous l'entretien de toutes les armes, la seule chose qu'elle notait avec tristesse était que cela prendrait beaucoup de temps à une Sawyer qui n'en avait déjà pas assez à ses yeux et qui aurait eu grandement besoin de repos. Un peu boudeuse, elle gonfla les joues à la réalisation qu'elles ne pourraient pas trainer ensemble avant un bon moment. Cette situation était vraiment pourrie ! Cette attitude passa pourtant vite à cause de son inquiétude toujours bien présente. Inquiétude qui redoubla quand elle sentit le léger raidissement de Saw au moment où elle s'accrocha à son bras. Max fronça les sourcils et leva les yeux vers son amie, étonnée. Elle fut d'autant plus frappée quand Sawyer plaça une réelle distance entre elle et une lueur blessée passa dans son regard durant une brève seconde. Elle continua à marcher, le nez au sol, sans vraiment réagir. Pourquoi une soudaine distance ? J'ai fait quelque chose de mal. C'était la seule explication qu'elle voyait. Sans le vouloir, elle avait dû faire une gaffe qui expliquait l'attitude de Sawyer qui, trop gentille, ne voulait pas lui frotter son erreur au visage. Coupable, elle cherchait quelque chose à dire ou à faire pour chasser ce nuage qui flottait au-dessus de leurs têts, mais la brune se lança dans un sujet qui la fit se rembrunir aussitôt. Fourrant les mains dans ses poches, elle shoota dans un caillou un peu plus gros que les autres se trouvant sur son chemin.

- Non !

Son ton était cassant et elle ne voulait vraiment pas en dire plus. C'était enfantin, mais elle en voulait toujours à Martin. Pour une fois, elle souhaitait que ce soit lui qui fasse le premier pas qu'elle finirait malgré tout par faire car l'homme n'était vraiment pas en voie de se rattraper pour le désordre qu'il avait mis au sein de sa famille à la mort de Chad. Un soupir lui échappa et elle vola un regard à Sawyer. Elle était blessée que l'Aspirante lui ait posé cette question avec tant de désinvolture car elle savait que le sujet était sensible. Le mur qui les séparait ne se creusa qu'un peu plus et Max rentra les épaules, pas vraiment sûre qu'elle voulait continuer leur routine en l'état.

- Je te laisse ici, faut que j'aille faire... des trucs.

Elle tenta de feindre la désinvolture, mais il lui était impossible de sourire. Sans en dire plus, elle emprunta la prochaine rue et accéléra dès qu'elle fut hors de rue. C'était la première fois que quelque chose comme ça se passait. La première fois que Max se sentait comme le reste du monde qui ne faisait que voir la carapace qu'arborait Sawyer.

C'est angoissant. Non tu angoisses. Avec un certain brio tu réussis à éloigner Maxine de la piste qu'elle flairait mais tu ne ressens aucune fierté d'avoir réussi, même pas l'ombre d'une satisfaction. Tu te sens juste mal parce que tu lui fais du mal. Et pourtant tu n'as pas le choix. Ou plutôt c'est un choix que tu fais car c'est pour le mieux. Tu évites de trop la regarder parce que ça te tue à petit feu mais elle est bien trop expressive et même sans la voir tu devines tout. « Non ! » Tu sais maintenant que tu viens de donner le dernier coup. Celui qui a vraiment fait mal et qu'elle mettra probablement du temps à oublier. Tu te raidis un peu plus et malgré toi tu tombes dans la facilité de te cacher derrière ton masque. Tu ne le veux pas vraiment c'est plus un instinct qui te pousse à le faire mais ça t'aide sans que tu ne le saches. « Je te laisse ici, faut que j'aille faire... des trucs. » Et elle s'échappe comme elle ne l'a jamais fait. Il t'est vraiment difficile de ne pas arrêter la machine. Il suffirait que tu l'appelles ou que tu la suives, que tu t'excuses en prétextant cette fatigue qu'elle a repéré qui te fait tourner la tête à l'envers. Pourtant tu ne le fais pas car c'est pour le mieux. Tu essayes de t'en persuader du moins. Quand elle n'est plus en vue tu t'arrêtes et tu laisses passer un long soupire en appuyant ton épaule au mur. Ta main passe dans tes cheveux avec un peu trop de brusquerie mais la douleur minime t'échappe alors que tu fixes le sol. En cet instant, il t'est difficile d'ignorer cette pensée qui te ronge et cette petite voix qui te murmure que tu réduis en cendres tout ce que tu aimes.