Détruit. C'était l'impression que lui donnait son frère et vraiment ça le tuait. Leonel s'était toujours soucié de son jumeau, mais il l'avait fait avec certainement moins d'inquiétude que le concerné. Pour lui, Leith était un roc. C'était un homme puissant, une sorte de héros indestructible. Quand il l'avait trouvé dans cette rue après avoir été comme piqué par un mauvais pressentiment, lui aussi s'était un peu brisé. La vision lui avait au départ paru impossible. Ce n'était pas dans le script et ça ne pouvait tout simplement pas être Leith car Leith pas censé être cette forme sanglante avachie dans la poussière. Il n'était pas censé porter toutes ces marques sur son corps, personne n'aurait dû pouvoir lui infliger ça. Il avait fallu quelques instants à Leonel pour se reprendre. La tâche n'avait vraiment pas été facile, il était en panique. Et ça, vraiment, c'était une nouveauté. Il fallait beaucoup pour lui faire perdre ses moyens, pour le faire sortir de cette bulle loufoque et insouciante qui l'entourait, mais là, la bulle avait littéralement explosée et il en avait souffert. Presque en pilotage automatique, il avait fini par charger son frère sur son dos et il l'avait transporté à l'hôpital. C'était la seule chose à faire et pour un moment il se suffit de cet objectif. Il ne pensait à rien d'autre pour la première fois de sa vie. Il n'y avait plus de rêverie, plus de pensées parasites, juste la tâche à accomplir. Au centre hospitalier, Leith avait directement été pris en charge et, lui, il n'avait eu d'autre choix que de rester à l'écart. Il aurait voulu être avec lui comme il l'avait toujours été, mais on l'avait brutalement poussé dans le couloir et même s'il avait bien cogné des poings à quelques reprises contre la porte, il avait fini par abandonner. Il était resté debout là durant ce qui lui semblait être des jours, toujours aussi vide, jusqu'à ce qu'on l'autorise à entrer.

Ce qu'il avait vu dans la chambre était au-delà d'éprouvant. Il avait pris la chaise à côté du lit avec soulagement car il n'était pas sûr que ses jambes auraient encore pu le supporter. Leith blessé et couvert de sang était une chose, mais ça... Maintenant qu'il était propre et que ses blessures avaient été prises en charge, il semblait plus faible. Il était pâle et il n'y avait plus autour de lui cette aura héroïque. C'était juste un homme qui avait été broyé par il ne savait pas trop quoi. D'une main tremblante, il serra l'avant-bras de son frère et exhala avec lourdeur, les poumons trop pris par l'angoisse pour qu'il puisse respirer correctement.

Quelque chose s'était rompu. Les règles du jeu étaient en train de changer et, vraiment, il n'était pas prêt pour ça.

Je ne sais pas du tout comment j’avais fais mon compte pour sortir de mon lieu de torture. Je ne sais pas non plus comment mon jumeau à pu me retrouver, ni comment il a pu me transporter au Centre Hospitalier seul. Je ne sais pas depuis combien de temps j’étais là, ni si j’avais réellement dormis ou non. Là, tout de suite, je savais que je n’avais plus vraiment mal grâce aux antidouleurs, que mon cerveau semblait buger, et que j’avais du mal à prendre pleinement conscience de la situation…

Ce fut une forte pression sur mon bras qui me tira de mon… sommeil ? Inconscience ? Enfin qui me fit ouvrir les yeux. A ce moment-là,  je fus heureux de voir mon frère, la colère et l’amertume n’avait pas encore fait leur apparition, je ne savais pas encore ce qu’il en était concrètement de mon état. J’étais endoloris, pas tout à fait les pieds sur terre. Je réussi tout de même à lui sourire, pour le rassurer. J’entendais une respiration difficile, je ne compris pas tout de suite qu’il s’agissait de la mienne. Je voulus parler aussi, mais je n’arrivais pas à prendre suffisamment d’air, comme si mes poumons étaient compressés. Je n’arrivais pas à bouger non plus, car si je ne le sentais pas encore, mes muscles étaient tellement endoloris que c’était comme si j’étais toujours paralyser. Je ne pouvais rien faire a part sourire faiblement, alors que mon frère semblait si angoissé. Je forçais alors, bouger ou parler, peu importe…

« Hey… »

C’est quoi cette tête, on dirait que tu as vu un fantôme ? Remarque, ce ne serait pas la première fois, non ?

Voilà tout ce que je voulais lui dire, et je ne pu à peine sortir qu’un « hey » rauque… Pas gagné pour le rassurer…

HJ:

Lorsque Leith commença à gigoter légèrement, Leonel eut du mal à le croire. Il pensait que ce n'était qu'une impression ou simplement qu'il bougeait dans son sommeil, alors il ne plaça pas trop ses espoirs dans les mouvements. Seulement, son jumeau le regardait, il avait un léger sourire et, durant une seconde, il se sentit mieux. La sensation ne resta pas très longtemps là, même s'il avait réagis, Leith restait effrayant de différence. Il semblait faible, si faible. Leo avala difficilement et resserra sa prise sur son avant-bras comme pour se rassurer, comme pour se donner le droit de penser qu'il était bien là. Les mots sortirent alors sans qu'il ne s'en rende compte. Ils s'étaient juste échappé de son esprit et maintenant il coulait allégrement hors de sa bouche.

- Tu m'as foutu la trouille... Idiot ! Les héros n'ont pas le droit de se mettre dans des états pareils. Et il était où ton acolyte ? Pourquoi tu patrouillais tout seul ?

Il y avait tellement d'autres questions qu'il aurait aimé poser, mais elles se coincèrent dans sa gorge alors qu'un sanglot mal contrôlé lui échappait. Cette fois, il avait vraiment eu peur, même son insouciance n'avait pas pu le sauver de la réalité.

Leo ne semblait vraiment pas rassuré. Et lorsqu’il prit enfin la parole, ce fut pour m’égueuler. D’abord vexé, je faillis lui répliqué que mon acolyte paressait sous sa couette sous prétexte d’être malade. Mais même si j’avais été en état, j’oubliais bien vite cette idée. Mon frère s’inquiétait simplement, pas besoin d’en rajouter une couche. Et puis il y avait ce terme, héros… J’étais très loin d’être un héros, mais ça aussi je n’avais pas la force de le lui dire. A la place, je rassemblait simplement suffisamment d’énergie que pour répondre de façon à couper court.

« Trop long… à expliquer. »

Et j’avais trop de mal à parler, trop de mal à respirer, trop de mal à garder les yeux ouverts. Je sentais toujours la pression sur mon bras, de plus en plus accentuée. Au prix d’un effort surhumain, je réussi à ouvrir la main et à la tournée vers lui. J’aurai voulus le serrer moi aussi, lui montrer que ça allait, mais les choses ne semblaient pas aller si bien que ça finalement… et si je ne le sentais pas encore, la panique de mon jumeau commençait à me gagner peu à peu.

« C’est si… moche ? »

Je n’étais pas certain de vouloir savoir en fait… Je ne me souvenais pas très bien de ce qu’il s’était passé, mes souvenirs étant encore flous… Et c’était peut-être mieux ainsi…

Trop long à expliquer ? Comment ça, trop long à expliquer ? Leonel faillit répliquer qu'il se fichait bien de la longueur de cette histoire, qu'il voulait savoir, mais il se retient. Leith avait vraiment l'air bien trop mal en point pour qu'il puisse se permettre d'être si capricieux. Il ne devait prendre que ce que son frère était prêt à lui donner et ne pas chercher à lui arracher quoi que ce soit. Il lâcha donc l'affaire pour le moment, mais il n'oublierait pas. D'une façon ou d'une autre, il en apprendrait plus. Quitte à aller botter le train de l'idiot de patrouilleur qui était sensé accompagner Leith à sa place. Le geste de son jumeau ne lui échappa pas et il serra sa main libre autour de la sienne. Quand une question apparu, posée avec tellement d'hésitation, Leonel avala difficilement sa salive. Qu'est-ce qu'il devait faire ? Être sincère ou le préserver tant qu'il le pouvait ? Leith l'avait toujours préservé, mais Leonel n'était pas Leith. Alors, il y alla cash.

- C'est pas joli. Je ne sais pas ce qu'ils t'ont fait, mais ça fait beaucoup de bandages. J'ose même pas imaginer ce qu'il y a en-dessous. Et tu as vraiment une sale gueule. On dirait l'un de ces gars du test de l'autre jour.

Mon jumeaux hésita avant de me répondre, et comme je m’y attendais sa réponse ne me plu pas. Pourtant, je tiquai plus sur ses derniers mots que sur sa description de mon état lamentable. Détournant les yeux, je serrais les dents et murmurait dans un sifflement.

« Evite le teste… »

Pas besoin de rajouter ces mauvais souvenirs à ce qu’il venait de sa passer. D’ailleurs, nous allions certainement en apprendre plus, puisque Gabriel apparu dans l’encadrement de la porte (était-elle restée ouverte ?), l’air grave. Mon cœur s’accéléra douloureusement, et ma respiration siffla malgré moi. Je fermais les yeux, fatigué, mais la voix insistante du Soigneur m’obligea à les rouvrir et à essayer de me concentrer, ce qui n’était pas gagné…

« Leith, essaye de rester un peu avec nous ok ? C’est important… »

Si c’est important alors arrête de tourne autour du pot et dépêche toi de cracher le morceau, parce que j’ai juste une putain d’envie de sombrer là, tout de suite. Mais l’étreinte de Leo sur ma main me dissuade de fermer à nouveau les yeux. Ca, et autre chose… un début de douleur peut-être… Les médicaments commenceraient-ils à ne plus faire effet ?

« Leith, tu as entendu ? Ton genou… Je ne suis pas certain que la blessure guérira complètement un jour… Et pour le reste et bien… Ce ne sera pas handicapant… mais tu en garderas des traces… »

Si j’avais entendu ? Entendu oui, compris par contre… Un poids soudain venait de s’abattre sur moi, me coupant le souffle, et mes paupières se fermèrent d’elles-mêmes. Je restais ainsi en apnée quelques secondes, sentant vaguement Gabriel essayer de me ramener. L’information peinait à se frayer un chemin jusqu’à mon cerveau abîmé. Les seules données qui passaient étaient : Gabriel est hésitant, ce qui est plutôt rare… L’annonce est donc grave… Lorsque je rouvris les yeux, l’air s’engouffra dans mes poumons et je pris une grande inspiration, comme si je venais de sortir de l’eau. Ce mouvement brusque me ramena à la réalité, provoquant un élan de douleur et une quinte de toux encore plus douloureuse.

« Ok ok, calme toi… Leonel, il doit vraiment limiter un maximum les mouvements pour le moment. De ce que j’ai pu en apprendre sur son état, il à manqué d’air sur une période plus ou moins prolongée, les absences sont donc normales, mais il faut le surveiller malgré tout… »

Gabriel me maintenait couché, parlant à mon frère alors que ma toux se calmait avec difficulté. J’étais désormais haletant, n’ayant pas suivis grand-chose à l’échange qui venait de se dérouler, mais je soufflait malgré tout un mot entre deux respiration.

« Dehors ! »

J’avais mis tellement de force dans ce simple mot que le Soigneur se tût, hésita un instant, puis me relâcha pour se diriger vers la porte. Il s’adressa à nouveau à Leo avant de sortir.

« Je vais chercher des calmants, je revient dans quelques minutes, le temps… que les informations passent… »

Sur le moment plus rien ne passait, si ce n’est l’air que j’essayais d’emmagasiner comme si c’était la dernière fois que j’y avais droit… Je n’avais toujours pas de détails sur mes blessures, mais une chose importante avait été prononcée qui pouvait facilement éclipser toutes les autres et qui faisait peu à peu lumière dans mon esprit : le genou était gravement touché…