I'm only getting started
Jour 2 (fin d'après-midi) - PV Sawyer

Dire qu'il n'était pas heureux était un euphémisme. Kaiden n'était pas la personne la plus autoritaire du monde, mais il n'avait jamais grandement apprécié qu'un non-natif se permette de discuter sa supériorité et les ordres éventuels qu'il pouvait donner plutôt que de distiller les coups et les paroles mordantes. Il existait dans le clan un spécimen qui était particulièrement doué pour ne pas l'écouter. Au début, il s'était contenté de lui donner un conseil avisé, puis un ordre sous-entendu, avant de se montrer plus directif encore. Pourtant, jamais elle n'avait plié. Quoi qu'il puisse dire, quoi qu'il puisse faire, Sawyer restait fermement accrochée avec Maxine. Il aurait été plus facile de simplement la tuer. L'acte aurait probablement été libérateur au vu de la frustration que cette Aspirante représentait, mais Kai n'était pas stupide. Il savait qu'il ne pouvait pas juste se permettre de tuer la personne qui semblait la plus proche de la fille d'un Ancien Chef. Si ça venait à se savoir, il récolterait sûrement les foudres de trop nombreuses personnes. C'était pour cette raison qu'il l'avait toujours joué finement avec elle. Même s'il la détestait - encore un euphémisme -, il savait qu'il lui faudrait être intelligent. Seulement, Sawyer était tenace et il commençait sérieusement à perdre patience. Il voulait la voir faire exploser son amitié avec la fille de Martin. Purement et simplement. Depuis le début, c'était tout ce qu'il lui avait toujours reproché. S'il n'y avait pas eu cette relation, la brune aurait sûrement échappée à tout ça. Elle était discrète et savait se tenir, mais malheureusement pour elle, elle choisissait mal ses relations. Peut-être aurait-il pu accepter qu'elle soit proche de Maxine - peut-être - s'il n'y avait pas eu son comportement. La non-native était franchement insultante avec l'autre fille qui semblait trop embobinée ou trop stupide pour le constater et réagir. C'était là qu'intervenait Kaiden qui pour la plus grande malchance de Sawyer avait un jour suivit leur conversation et ne la lâchait plus depuis. On ne traitait pas une élite comme un vulgaire chien sans en payer les conséquences !

La journée s'achevait et en revenant d'un entraînement Kaiden était tombé sur un spectacle des plus désagréables. Maxine et Sawyer, comme toujours beaucoup trop complices, sur le chemin du retour elles aussi. Plutôt que de se diriger vers chez lui, il continua à les suivre jusqu'à ce que la première parte vers son quartier pendant que l'autre Dragonne continuait vers l'une des zones les plus pourries du territoire. Kai attendit un moment pour s'assurer que Max ne faisait pas demi-tour avant de se rapprocher rapidement de l'Aspirante. Il la bouscula un peu de l'épaule en se plaçant à son côté, la fusillant du regard.

- Je croyais t'avoir dit de rester loin d'elle ! La dernière fois ne t'a pas suffit ?

A force d'être devenue l'une des têtes de turques favorites de certaines Membres tu as fini par développer une sorte de sixième sens quand il s'agit d'eux. Généralement tu sais quand une confrontation se prépare. Tu le sens dans la rigidité de ton corps et dans cette perpétuelle impression d'être observée. Au début tu avais simplement cru à de la paranoïa mais ton instinct s'était toujours avéré dans le juste. Le savoir n'était pas forcément un cadeau. Au mieux tu pouvais tenter de fuir mais ça ne les rendait que plus hargneux lorsqu'ils te tombaient à nouveau dessus la fois d'après. Donc tu te retrouvais bien trop souvent à te préparer psychologiquement en imaginant le pire. Le seul avantage de ce scénario étant que de façon générale ton pire était plus désagréable que le leur. Aujourd'hui pourtant tu as bien envie de fuir de la pire des façons. Max est juste à côté de toi, tu pourrais lui proposer de traîner encore un peu. Quand elle est dans les parages on te fiche la paix mais tu n'aimes pas l'idée de faire d'elle un bouclier. Elle est ton amie et c'est bien pour ça que tu ne veux pas faire d'elle une quelconque protection. Ainsi tu la laisses partir et tu continues seule dans les rues en sachant pertinemment que tu ne l'es pas vraiment. Tu ne dois pas attendre longtemps avant qu'une nouvelle compagnie s'impose juste à côté de toi. Sous le coup d'épaule, tu dévies un peu de ta trajectoire et tu en profites pour mettre de la distance entre toi et l'autre Dragon. Tu lèves brièvement les yeux mais tu les baisses immédiatement quand tu te rend compte qu'il s'agit de Kaiden. Sûrement l'une de tes pires plaies. Il n'est pas aussi imbécile que les autres et à le don d'agir pour une raison réellement obscure. Il te reproche ta relation avec Maxine, ça tu le sais bien mais tu n'as jamais compris pourquoi ça le dérangeait à ce point. Ce n'est même pas comme s'il était proche d'elle en plus.

KAIDEN - Je croyais t'avoir dit de rester loin d'elle ! La dernière fois ne t'a pas suffit ?[/b]

Oh si elle t'a suffit. Tu te souviens très nettement de la dernière raclée qu'il t'a mise. Tu avais eu mal pendant des jours et tu avais à grandes peines réussi à suivre les entraînements des Aspirants en bénissant le fait de ne pas être une Spécialiste. Malgré tout tu ne pouvais pas lui donner ce qu'il voulait. Contre la paix, il te réclamait un prix beaucoup trop cher à payer.

SAWYER – Je peux pas faire ça.

Tu n'en dis pas plus. Ça ne sert à rien. Ta réponse sera sûrement amplement suffisante pour faire flamber sa colère. Mais tu ne pouvais pas juste le snober ou ça aurait probablement été pire. Et rien ne pourra le convaincre de déguerpir. Vous ne vous comprenez pas, vous êtes dans une impasse donc il va faire mal.

Il y avait une chose qui l'agaçait particulièrement chez Sawyer. En plus de toutes les raisons qui le poussaient à agir comme il le faisait, il existait ce petit détail qui avait le don de faire ramper plus vite encore la colère dans ses veines. Kaiden était un enfoiré, il ne disait pas le contraire. Il n'avait pas forcément besoin de grandes raisons pour s'en prendre à quelqu'un, il pouvait se suffire de peu ou même agir sous le coup d'une pulsion, mais de façon générale il n'aimait pas les gens trop mous. Il aimait qu'il y ait un minimum de répondant en face de lui qu'il soit verbal ou physique. Si ce n'était pas le cas, ce n'était pas vraiment grave, il agissait quand même, mais il le faisait avec une frustration qui donnait plus de poids à sa mauvaise humeur. Et sur ce plan là, Sawyer était digne d'une larve. Elle ne réagissait pas, subissait simplement comme une espèce d'être inanimé étrange. Une banale coquille vide. Elle lui offrit à peine un regard après qu'il se soit invité dans son espace et trop peu de mots par la suite. Un mot aurait suffit à le satisfaire dans les faits, mais elle aurait dû déployer un meilleur discours puisque c'était un non qu'elle lui donnait. Son poing se serra brièvement et il jura entre ses dents avant de la pousser plus durement cette fois. Il suivit le mouvement et l'envoya d'une nouvelle bourrade contre le mur, une main se fermant comme des griffes autour de son épaule.

- Ne peux pas ou ne veux pas ? Pour moi, il y a une assez grosse différence entre les deux, tu vois.

Il la lâcha et écarta les bras, se concentrant d'abord sur sa main gauche ouverte.

- D'un côté, il y a de la stupidité.

Puis, il suréleva son poing droit, le visage considérablement durcit.

- Et de l'autre de la mauvaise volonté. Et tu devrais savoir que j'ai horreur de la mauvaise volonté. Hein, Sawyer, que tu le sais ?

Cette question purement rhétorique avait été ponctuée d'une frappe de son poing dans son autre main, le tout dans une attitude inutilement menaçante. Et un peu dénué de sens quand on savait qu'il ne jouait jamais des poings de peur d'amocher ses précieux doigts. Mais que pouvait-il dire ? Il y avait certaines choses que l'on faisait sans réellement y faire attention.

La colère est vraiment une émotion facile à percevoir. Surtout chez Kaiden. La mâchoire qui se crispe, les poings qui se ferment, les insultes incompréhensibles qu'il gronde et ce feu ardent s'emparant de ses yeux juste avant qu'il ne passe à l'action. Tu te laisses malmener par lui, toute résistance étant inutile mais quand il t'envoie contre le mur et que sa main reste fermement serrée autour de ton épaule tu ne peux retenir une grimace. Vu comme ça, ça ne semble pas grand chose mais tu as heurté la façade assez durement et sa poigne ne t'aide pas à rendre ta position plus confortable. « Ne peux pas ou ne veux pas ? Pour moi, il y a une assez grosse différence entre les deux, tu vois. » Menteur ! C'est la même chose pour toi. Comme toujours les mots restent dans ta tête alors que tu gardes les lèvres fermement serrées. Quand il te relâche, tu bouges maladroitement sans réellement changer de pose. Tu te tasses juste un peu, épaules voûtées dans une fausse manœuvre de soumission visant à le satisfaire. « D'un côté, il y a de la stupidité. » Tu observes son cinéma du coin de l’œil et vraiment il t'est difficile de ne pas laisser sortir le rire sarcastique qui bulle dans ta poitrine. « Et de l'autre de la mauvaise volonté. Et tu devrais savoir que j'ai horreur de la mauvaise volonté. Hein, Sawyer, que tu le sais ? » Il est ridicule dans ce numéro. Il ressemble à un clown et casse toute cette prestance qu'il dégage naturellement. Kaiden a ce qu'il faut pour te faire craindre le pire mais plus il en fait et plus sa menace perd de son sens. Le clou du spectacle t'achève et tes lèvres frémissent dans un presque-sourire incontrôlé. « Je ne peux pas te donner la réponse que tu attends. » Ton ton est plat comme toujours. Tu l'observes sans réellement le voir, espérant juste que tout ça ira vite. Il va te frapper, vous le savez tous les deux, alors pourquoi ne pas passer directement au vif du sujet ?

Tu l'attendais, tu l'avais même voulu, mais quand le coup vient, il te saisit quand même par son intensité et sa surprise. La patience de Kaiden s'est effritée et il a frappé, conservant toujours ses précieux poings hors de danger mais il peut faire mal sans ça. Tu peux en témoigner alors que la pulsion vive de la douleur cogne dans tes côtes. Ton souffle a disparu, comme envolé dans l'air et tu as le réflexe de tenter de prendre une bouffée d'oxygène qui ravive plus encore le mal. Respirer est douloureux. Exister est douloureux. Et maintenant ton bourreau si stupidement provoqué contrôle complètement ta respiration alors que ses doigts sont serrés comme des griffes autour de ta gorge. Te revoilà victime à ses yeux, dominée en apparence et pourtant pas brisée. Il ne te cassera pas comme ça. Et probablement le sait-il ce qui explique cette étincelle vicieuse qui passe dans son regard avant qu'il ne commence à parler. « T'es qu'une égoïste, tu sais ça ? Tu prétends être son amie, mais tu ne fais pas ce qui est bon pour elle. Avec toi à ses côtés, c'est comme si elle avait un boulet au pied. Tu le sais ça, non ? » Parler de Maxine, le joker qui fait toujours mouche. Ton regard se brouille un peu d'une humidité qui s'agglutine non pas à cause de ses mots mais à cause de la prise qu'il a toujours sur ton cou. Malgré ce poing que tu as refermé sur son bras par réflexe pour tenter de l'éloigner, tu restes relativement calme. Plus tu vas perdre ce calme, plus vite l'air va vraiment manquer. Tu sais aussi qu'il ne devrait pas tarder à te relâcher. Il veut que tu l'écoutes, que tu perçoives chacun de ses mots, pas que tu t’évanouisses. Alors tu te raccroches à ce détail pour ne pas paniquer. Il faut juste que tu tiennes un tout petit peu plus longtemps. C'est le mot d'ordre dans ta vie. Tenir plus longtemps, marcher un mètre de plus, ne pas laisser la peur gagner, rester en contrôle ne serait-ce qu'une minute supplémentaire. Mais ici c'est difficile. Il parle de Maxine et quelque part tu sais qu'il a raison. Tu la retiens, quelque chose que tu t'es promise de ne jamais faire. Mais tu le fais quand même. Parce que c'est con mais tu l'aimes Maxine et la laisser partir, même pour son propre bien c'est une putain de torture. Il ne sait même pas combien il a raison quand il te traite d’égoïste. Pour lui, ça doit juste être une façon d'atteindre un point sensible, des mots jetés en l'air mais il est dans le vrai. « Tu vas pas me dire que tu n'as pas compris maintenant... Tu crois vraiment que c'est un hasard si elle passe son temps à se ridiculiser en venant à la rescousse du premier impur en détresse. Elle le fait à cause de toi, pour toi. Si t'étais pas dans le tableau, elle aurait une meilleure place dans notre société. Peut-être même qu'elle grimperait haut comme son père. Si elle arrêtait de gaspiller son héritage, je suis sûr que c'est ce qu'elle ferait. Sauf que voilà, elle reste à ton niveau. Et il est bas, Sawyer, si bas. Et là, tu dois te dire que c'est n'importe quoi, que tu ne peux pas avoir cet impact sur elle parce que tu ne vaux pas grand chose, mais c'est faux. Pour elle, j'sais pas trop pourquoi, tu comptes beaucoup. Seulement, tu crois que ce sera toujours le cas quand il sera trop tard ? Quand elle aura grillé toutes ses cartes et qu'elle reliera les points ? Tu crois pas qu'elle va comprendre pourquoi elle s'est plantée ? Et ce jour-là, elle va te lâcher même si ça servira plus à rien. Un potentiel foutu en l'air et tout ça pour quoi ? Une amitié qui ne tiendra pas la route. Tu vois où je veux en venir ? Cette histoire, elle est pas encore écrite. Tu peux changer la fin, t'as juste à t'éclipser pour qu'elle retourne dans le monde auquel elle appartient. » Il te prends vraiment pour une idiote. Qu'est-ce qu'il croit ? Il n'est pas le seul à avoir des yeux pour voir les actes de Max, des oreilles pour entendre ses "exploits". Ce qu'il ne sait pas, c'est qu'elle ne fait pas ça que pour toi. C'est dans la nature de Maxine de défendre les innocents. Il peut penser ce qu'il veut mais il ne la connait pas comme toi. Il ne sait pas qu'elle est intrinsèquement bonne et qu'elle l'aurait été qu'importe sa position, sa famille, son clan. Mais il n'empêche que tu es bien une tache sur son parcours. Sans toi, elle passerait sûrement plus de temps avec des gens qui pourraient la tirer vers le haut. L'aider à atteindre un autre niveau. Qu'elle le veuille ou non est une autre histoire. On ne parle ici que de possibilités. Mais ça ne change rien. Tu concentres tes efforts pour tirer un peu son bras en arrière et te dégager une opportunité de prendre une bouffée d'air plus longue qui te brûle les poumons. « Je te l'ai...déjà dit...Kaiden. Je ne peux pas... » Cette position devient difficile à tenir. Tes ongles ont commencés à s'enfoncer dans son avant-bras et inconsciemment tu as déjà étudié toutes tes possibilités. Dans la partie consciente de ton esprit, tout est moins ordonné. Les mots de Kaiden roulent et se cognent avec force les un contre les autres. La confusion se rajoute au tout comme un brouillard et tu n'es pas certaine qu'elle ne vienne pas un peu aussi de cette respiration qui se saccade de plus en plus. Tu es en train de perdre le contrôle. Le contrôle c'est comme tenir une bête en laisse. Et parfois quand la traction est trop forte et qu'on est sur le point de lâcher, la seule solution pour ne pas le faire c'est de donner un peu de leste pour reprendre une meilleure prise. Le coup de genou que tu lui assènes et la représentation physique de ce moment. Tu lui as à peine cogner l'entrejambe pour t'ouvrir une opportunité. Rien de bien méchant mais les garçons sont des êtres bien trop sensibles. Tu profites de son poing qui se desserre pour feinter sur la droite et reculer du mur. Dans l'action tu aurais pu faire bien plus de dégâts mais le faire aurait été une perte de contrôle totale. Alors tu as juste reculé et tu tentes tant bien que mal de reprendre ton souffle maintenant que tu es enfin libre. Une main masse ta gorge endolorie pendant que l'autre s'appuie sur ta cuisse alors que tu conserves un équilibre précaire. Tes yeux sont quand à eux fixés sur un Kaiden qui ne va sûrement pas tarder à devenir bien plus violent. Jamais il ne laissera passer ça. Tu t'es défendue et c'est clairement quelque chose qu'un gars comme lui ne tolèrera pas. Pourtant tout ça ne t'empêche pas d'en rajouter une couche d'une voix éraillée. « Ça doit être inconcevable pour toi mais je tiens à elle et je ne peux pas juste partir. Elle est trop importante. Je peux juste pas. J'ai besoin d'elle. » Exposer ainsi ta faiblesse est probablement la pire des choses mais les mots coulent trop vite et tu ne peux pas les arrêter. Ça fait trop longtemps que tu te tais.