Bruised but not broken
jour 2 - fin de matinée
La nuit a été étrange. Si ton acte de présence au bûcher n'a eu aucun impact sur toi, ta petite visite à Zayne t'a laissée dans un drôle d'état. L'échec ne te fait pas du bien c'est une certitude et tu l'as d'autant plus compris à ses côtés. Tu te sens un peu vacillante après tout ça, une sensation que tu n'avais plus ressentie depuis longtemps. Ainsi tu n'avais pas vraiment eu le courage de rester sur le territoire pour aider. Tu avais mieux à faire. Théoriquement du moins. Dans les faits tu ne bosses pas beaucoup en tant qu'Espionne pour le moment. Tu n'es pas dans le centre neutre pour collecter des informations mais plutôt pour réfléchir tranquillement à tout ce que tu savais. Tu traînes dans les rues sans réel but en laissant tes pensées divaguer. Tu n'es pas inquiète des potentiels dangers. Tu restes attentive comme toujours mais ça ne t'empêche pas de penser beaucoup. Tu repenses à Aaron, à la façon dont il t'a floué, aux Dragons qui sont désormais dans ton angle mort. Cela va devoir changer. Il faut que tu reprennes le contrôle de tout. Tu vas devoir vérifier chaque clan par toi-même. Repenser à tout. Tester chacun de tes hommes pour être sûre. Tu as fait une erreur une fois mais on ne t'y prendra plus jamais. Une erreur coûte beaucoup trop cher et celle-ci aurait pu te coûter ta tête dans un autre clan. Tu t'estimes d'ailleurs heureux que ton mentor ne se soit pas montré plus virulent. Il a été étonnement compréhensif. Pour Zayne bien sûr. C'est sur cette pensée que tu te laisses tomber contre un mur à l'ombre. Le soleil commence à chauffer et tu marches depuis un bon moment déjà. Un peu de repos ne saurait te faire de mal.

La vie reprenait son cours normal au sein des Dragons du Nord. La veille, tout avait été chamboulé par la mort de Chad, mais après cette journée de deuil, il n'était plus question de se laisser aller. C'était l'esprit du clan, il n'y avait que très peu de place pour la faiblesse, et, si généralement Maxine s'y faisait, elle avait aujourd'hui peiné à retourner dans le quotidien. Le réveil avait été affreusement difficile, elle s'était sentie plus fatiguée que reposée malgré une nuit assez correcte, et son court face à face avec son père n'avait pas aidé. Il y avait une rancune qu'elle ne parvenait pas à avaler. Là où lui voyait son attitude comme un caprice digne d'une enfant même pas en âge de se soumettre, Max se sentait beaucoup plus légitime et voulait qu'il reconnaisse que leur dispute avait été blessante. L'un comme l'autre, ils n'avaient pas complètement raison, mais il faudrait attendre encore un peu avant que la Membre change son fusil d'épaule. Ce n'était après tout qu'un malentendu provoqué par le chagrin et cette situation de crise. Et, au fond, tout ce que Maxine voulait était un câlin digne d'un ours. Tout aurait été réglé bien plus vite si Martin avait admis que sa tristesse était légitime et l'avait consolée. Alors oui, peut-être qu'elle agissait un peu comme une gamine au fond...

Bref. Après un démarrage particulièrement difficile, Max s'était finalement laissé apprivoisée par la vie. Elle aimait les gardes matinales et le calme des ruines l'apaisa. Il était plus facile d'être ici que sur le territoire. La matinée passa rapidement si bien qu'elle fut presque étonnée de voir le soleil si haut quand elle se sépara de son équipière de façon à vérifier plus rapidement un dédale de rues. Avec le nez levé vers le ciel, elle n'était pas la personne la plus efficace du monde. Elle fit d'ailleurs un bond et son cœur loupa un battement quand elle baissa les yeux et constata la présence extrêmement proche de quelqu'un. Il y avait une fille assise sur le sol juste devant elle. Vraiment juste devant elle. Trente centimètres de plus et elle lui marchait dessus ou s'accrochait les pieds dans ses jambes. Une main portée à sa poitrine, elle recula encore un peu et tenta de reprendre son souffle étrangement absent.

- La vache, tu m'as foutu la trouille. T'es quoi, une apparition ou un truc du genre ?

Si jamais elle n'avait pas été sur la trajectoire de la brune, Maxine l'aurait probablement passée sans s'en rendre compte. Alors d'accord, elle n'était pas particulièrement attentive, mais pour le coup c'était littéralement comme si cette fille n'avait pas été là jusqu'au moment où elle avait posé les yeux sur elle.

- Si je te touche la jambe pour vérifier que tu existes, tu le prendras mal ? Je voudrais pas heurter tes sentiments si t'es une femme-fantôme.

Le calme de la ville est tel que tu te permet le luxe de reposer ta tête contre le mur en fermant les yeux. Il est rare que tu te laisses aller de la sorte. Tu ne peux le faire que quand tu es seule, loin des manigances et de ton clan. Même la nuit, tu ne dors que d'un œil. Le sommeil peut être le pire des traîtres et tu n'es pas prête à le laisser gagner. C'est pire quand Jason est là. Tu préfères de loin ses gardes nocturnes qui te permettent de respirer un peu loin de sa présence entêtante. Ce que Zayne t'a dit hier te revient en tête. Il y a bien de l'eau dans le gaz. Plus que tu aurais pu l'imaginer. Il ne t'est pas indifférente et ça devient un énorme problème. Le fait qu'il t'étouffe à ce point là est révélateur d'un certain intérêt ce qui t'agace profondément. Il ne devait être rien de plus qu'une couverture mais il est devenu plus. Tu ne sais pas exactement quoi mais il est quelque chose. Ta paix est maintenant troublée par ces pensées et autre chose vient te sortir de ton repos. Des bruits de pas. Quelqu'un vient. Pendant quelques instants encore tu gardes les yeux fermés avant de finalement soulever les paupières. Il ne faut pas longtemps à tes yeux pour s'habituer à la luminosité mais tu as déjà pu constater la silhouette qui s'approche. Une fille. Elle t'est complètement inconnue mais un éclat argenté sur sa poitrine t'en apprends plus sur elle. C'est une patrouilleuse. Contrairement à toi, elle ne semble absolument pas consciente de son environnement. C'est étrange au vu de sa fonction. Si elle porte la broche c'est pourtant qu'elle est en faction. Tu l'observes avec attention, prête à réagir mais tu n'en fais pas plus. Inutile de s'alarmer. Quand elle est presque sur le point de te marcher dessus tu t'apprêtes à signaler ta présence mais elle se rend compte de ton existence par elle-même. Il était temps. Elle bondit, une main sur le coeur et tu supposes que tu viens de lui faire la frousse de sa vie. « La vache, tu m'as foutu la trouille. T'es quoi, une apparition ou un truc du genre ? » Tu ris, déjà dans ton rôle. Ce n'est pas difficile. Elle est candide et tu n'auras pas beaucoup d'efforts à faire pour te rendre agréable à ses yeux. « Si je te touche la jambe pour vérifier que tu existes, tu le prendras mal ? Je voudrais pas heurter tes sentiments si t'es une femme-fantôme. » Candide n'est peut-être pas le mot exact. Idiote peut-être ? Non. Innocente. Presque une enfant. C'est étrange vu l'âge qu'elle semble avoir. Pour le moment, tu décides de jouer le long. Tu es intriguée. « Je suppose qu'il va falloir que tu tentes le coup pour le savoir. Mais attention tu t'exposes à une malédiction de toute une vie si jamais je suis bien un fantôme. » Tu ajoutes avec un sourire en coin.

La femme-fantôme avait un sens de l'humour, c'était peut-être bon signe. Maxine n'aurait pas voulu être maudite jusqu'à la fin de ses jours parce qu'elle avait vexé quelqu'un de mort qui avait encore la capacité de pourrir la vie des gens. Enfant, elle ne croyait pas vraiment aux fantômes jusqu'au jour où elle avait suivi Sawyer dans une maison prétendument hantée. L'endroit était tellement terrorisant qu'elle avait fui à toutes jambes en entendant un grattement étrange. Depuis, elle était persuadée que les esprits piégés sur terre existaient bel et bien alors qu'elle n'avait probablement été effrayée que par un rat. Il fallait dire que l'attitude de Saw par la suite n'avait rien arrangé, elle avait toujours quelques histoires sinistres dans sa manche à lui raconter. Quand la brunette la défia de le faire, elle prit mécaniquement un peu de recul. Et si c'était juste un tour de fantôme pour avoir une bonne raison de venir prendre possession de son corps ? Elle prit un instant pour observer l'autre fille, scrutant le mouvement régulier de sa poitrine alors qu'elle respirait. Elle n'avait pas vraiment l'air morte. Peut-être qu'elle se moquait juste d'elle. Prenant son courage à deux mains, Max tendit la jambe et cogna légèrement la chaussure de la brune. Elle fit aussitôt un bond quand elle entra bien en contact avec quelque chose et expira avec soulagement. Elle venait de se ridiculiser, mais au moins elle ne s'était pas mis un esprit malin à dos.

- T'es nulle, c'est pas cool de te foutre de ma tête.

Tout naturellement, Max alla s'asseoir à côté d'elle et croisa les jambes devant elle. Elle n'était pas vraiment rancunière et pour le moment la raison de la présence de la fille ici l'intriguait plus. Il ne fallait pas croire qu'elle flemmardait pendant sa patrouille, elle s'assurait juste qu'elle n'était pas en présence de quelqu'un qui avait besoin d'aide.

- T'as l'air toute perdue ici. Je m'appelle Maxine et toi ?