jour 2 - matinée

Dans ton esprit, la scène tourne en boucle. Tu te repasses la découverte du corps de Chad sans réellement le vouloir et à chaque fois cette même douleur t'étreint le cœur. Il a été ton allié le plus précieux, un soutien étonnant dans ta quête de puissance alors maintenant qu'il n'est plus là, tu te sens perdue. D'un point de vue pratique, tu n'as plus besoin de lui depuis bien longtemps mais il était devenu ton ami avec le temps. Peut-être un peu plus, il t'est difficile de différencier les degrés de forces d'attachement tellement tu t'es refusée à l'être justement : attachée. Chad, tu n'as pas voulu l'aimer mais il a pris discrètement une part importante dans ta vie. Alors, tu n'as pas honte des larmes que tu as versé sur son corps. Ce moment de faiblesse a été de courte durée, désormais tu es redevenu un roc en apparence. A l'intérieur, tu restes néanmoins en miettes et cela se ressent sur ton entourage. Tu supportes mal la présence des autres et ils doivent le ressentir car la plupart de tes semblables ne cherchent même plus à t'approcher. Tu erres sans but dans les rues sans vie du territoire. Il n'y a pas beaucoup d'animation, deuil d'une personnalité oblige. Le clan a peur aussi contrairement à toi. Beaucoup craignent la colère de Samuel maintenant que son Second n'est plus là pour le contenir. Ils voient Samuel comme une bête que Chad enchaînait soigneusement et qui se retrouvera désormais délivré de ses entraves. Ton point de vue n'est pas le même. Toi, tu n'attends que ça. Tu souhaites qu'il déchaîne sa rage sur les coupables pour que tu puisses le suivre. Au fond, tu as l'impression qu'il est le seul à pouvoir comprendre ta peine et peut-être que tu es la seule qui pourrait lui apporter un sincère compréhension. Seulement, malgré ta position, vous n'avez jamais été très proches et ce n'est pas le moment de changer ça. On te prends déjà pour une opportuniste, une pute qui se vend contre des promotions, tu n'as pas besoin qu'une nouvelle rumeur court sur toi. Oui, tu sacrifies sans vergogne ton corps pour arriver à ton but mais on ne t'a fait aucune faveur lors de ton test et de ta sélection, bien au contraire. Tu t'es entraînée jusqu'à t'en faire saigner les mains, tu as souffert de milles douleurs pour devenir celle que tu es aujourd'hui. Ces idiotes qui se moquent de toi parce qu'elles ne t'estiment pas, tu les détestes. Elles se croient mieux que les autres, mieux que toi mais au final c'est toi qui arrivera première à la ligne d'arrivée car tu as fait tout ce qui était en ton pouvoir pour sortir victorieuse de cette course.

Tu ronges ta patience en marchant. Tu es à bout de fatigue mais tu ne pourras prendre de repos que lorsque Samuel aura pris sa décision. Tu te tiens prête pour cette vendetta qui n'aura peut-être jamais lieu. Ta lance ne te quitte plus. Elle est soigneusement accrochée dans ton dos et tu l'effleures souvent pour te rassurer. Au fond, tu n'attends qu'une excuse pour faire couler le sang de quelqu'un. Tu rêves de plonger ton arme dans le ventre d'une vermine avant de le tailler en pièces. Malgré les pensées qui te remuent, tu marches la tête haute. Ta démarche est souple et ton port altier, il ne manquerait plus que tu fasses preuve de faiblesse devant qui que ce soit. Seulement, ton regard est insondable, presque absent. A vrai dire, tu marches mécaniquement, tu arpentes cet endroit que tu connais par cœur sans rien reconnaître autour de toi. Alors, fatidiquement, un événement stupide finit par se produire. Tu bouscules quelqu'un. Ou quelqu'un te bouscule, cela n'a pas d'importance. La seule chose qui compte c'est que tu heurtes un corps ce qui te force à récupérer ton équilibre alors que tu pars en arrière. Tu n'es pas tombée et tu ne ressens aucune douleur mais c'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase.

VIOLETTE – Bordel, tu pourrais pas faire attention ?!

Tu jettes sur la fille qui se tient devant toi un regard incisif. Tu ne connais pas son nom et c'est à peine si son visage te semble familier. Cela rend tes yeux plus glaciaux encore et ton irritation se fait clairement ressentir.

VIOLETTE – Dégage de mon chemin.

Dans la vie, tout était une question de chance. Une toute petite décision pouvait influencer une journée et c'était le cas aujourd'hui. Après l'entraînement matinal, Kaiden était rentré chez lui pour se nettoyer un peu. Il s'était offert un petit break, allongé sur son lit avec son petit déjeuner, et il avait été tenté de prendre le reste de la matinée pour dormir quelques heures, mais il avait changé d'avis. La situation du clan le préoccupait toujours et il avait ressenti le besoin d'aller prendre le pouls sur le territoire. Rien ne valait les matinées où les gens travaillaient et où les Spécialistes étaient en pause pour ça. Il pourrait ainsi voir comment tournait les Dragons un jour après la perte de leur Second. Il se baladait donc un peu au hasard des rues quand il fit face à un spectacle curieux, mais pas réellement étonnant : Violette crachant son venin sur quelqu'un. En voyant cela, son objectif changea du tout au tout. Il venait de trouver une nouvelle occupation.

Depuis qu'il avait compris le potentiel derrière la numéro un, Kai avait toujours voulu l'avoir de son côté. Comme un gosse, il s'était mis en tête qu'elle pourrait être son égal et qu'ils pourraient faire la loi sur leur territoire. Le problème, c'était que Violette avait toujours été claire, elle ne mangeait pas de ce pain là. Elle était brutale et sanglante, belliqueuse à sa façon, mais elle ne tirait visiblement pas plaisir à s'acharner sur les non-natifs et autres vermines qui peuplaient le territoire. C'était triste à dire, mais elle était bien plus paisible que le disait la rumeur. Si on ne la cherchait pas et qu'on ne menaçait pas sa course contre le pouvoir, Violette n'était pas si méchante que ça. Seulement, aller faire comprendre ça à Kaiden qui, quand il avait une idée en tête, pouvait se montrer aussi buté qu'un âne. En plus de ne pas comprendre, il n'avait pas accepté. Au fond de lui, il savait qu'il réussirait à faire d'elle sa partenaire de crime, ce n'était qu'une question de temps. Et aujourd'hui, ce temps semblait venu. Un sourire mauvais étira ses lèvres alors qu'il approchait le duo et il passa tranquillement un bras autour des épaules de la Membre qui avait gelé sous les yeux de l'autre dragonne.

- Tu vois, c'est ça le problème avec les non-natifs. Ils sont mal dressés et incapables de se comporter correctement face à l'élite.

Il serra un peu plus fort la jeune femme, l'attirant contre lui dans ce geste, mais ses yeux restèrent un moment fixés sur Violette. Elle ne semblait vraiment pas dans son état normal, beaucoup plus à fleur de peau que d'habitude, et probablement prête à exploser à tout moment si on ajoutait un tout petit peu de pression. Finalement, il baissa les yeux vers la Membre et haussa un sourcil curieux.

- Je ne crois pas avoir entendu d'excuses ? Tu sais que ce n'est pas bien du tout d'agir comme ça. Est-ce que tu ne serais par hasard pas en train de manquer de respect à une gradée ?
- Non... Ce n'est pas...
- Shhh. Garde ta salive. Je suis sûr que tu en auras besoin pour aller dire à tes petits copains impurs que tu as tenu tête à Violette sans récolter une seule égratignure.

La graine était plantée, il ne restait plus qu'à attendre de voir ce qu'elle allait offrir comme fleur...

My mind's like a deadly disease
Année 41 - saison tempérée 1 (matinée 1)

Ton envie d'avoir quelqu'un dans les pattes est proche de zéro alors bien sûr quand Kaiden rapplique tu ne peux contenir une œillade agacée. De quoi est-ce qu'il se mêle celui-là ? En plus il est tout en attitude et en frime, un show que tu ne te sens pas d'humeur à supporter aujourd'hui. Avant, peut-être, mais maintenant tu veux juste qu'on te fiche la paix. Seulement il ne comprends pas ce détail. Il ne doit même pas savoir que tu n'es pas franchement dans ton état normal. Il agit comme toujours quand il essaye de t'entraîner dans ses combines et comme toujours toi tu le regardes faire mais avec plus d'énervement que de lassitude aujourd'hui. « Tu vois, c'est ça le problème avec les non-natifs. Ils sont mal dressés et incapables de se comporter correctement face à l'élite. » Une élite bien inutile au cœur du combat s'il veut ton avis. A moins qu'il ne parle de cette élite constituée uniquement de gens considérés comme purs parce qu'ils vivaient sur le territoire depuis longtemps ? Dans ce cas-là tu n'es pas certaine qu'il puisse se la jouer de la sorte. Oui il était un Spécialiste pas trop mal classé mais tu aurais parié que sa famille n'était pas si ancienne que ça. Elle n'avait pas assez fait parler d'elle jusqu'ici et il ne se vantait jamais d'avoir un papa ou une maman qui avait brillé par le passé. Ce genre d'attitude, c'était louche pour toi quand on parlait d'un gars comme Kaiden qui était toujours trop prêt à prouver qu'il était au-dessus de la masse. « Je ne crois pas avoir entendu d'excuses ? Tu sais que ce n'est pas bien du tout d'agir comme ça. Est-ce que tu ne serais par hasard pas en train de manquer de respect à une gradée ? » Il a néanmoins raison, cette fille ne t'a adressé aucune excuse bien que ça ne change pas grand chose au fond. L'idée qu'elle l'ait fait sur le but dans un réel manque de respect venait un peu comme une piqûre au niveau de ton orgueil déjà endolori mais il aurait fallu être aveugle pour ne pas voir qu'elle avait juste la trouille. « Non... Ce n'est pas... » « Shhh. Garde ta salive. Je suis sûr que tu en auras besoin pour aller dire à tes petits copains impurs que tu as tenu tête à Violette sans récolter une seule égratignure. » Dans une autre situation tu aurais probablement été impressionnée par son aptitude à foutre la merde et tu aurais cherché à apprendre de lui mais ici... Ici le coup a bel et bien porté et l'idée qu'elle répande une telle rumeur sur toi t'effraye plus qu'elle ne t'énerve. Tu es sur le fil, tu le sais, et tu n'as pas besoin qu'une petite dinde de chair à pâté vienne aggraver tout ça. Hier trop de gens t'ont vu faible. Trop de gens ont de choses à dire à propos de ta proximité avec Chad. Alors même si ça ne te plaît pas de jouer dans le jeu de Kaiden, il le faudra bien. Parce que tu n'as jamais reculé devant rien pour protéger ton poste et ce n'est pas maintenant que ça va commencer. Surtout pas maintenant. « Il n'y a que toi pour penser qu'elle va s'en sortir sans égratignures. Quand j'en aurais fini avec elle, je suis pas sûre qu'elle pourra encore se présenter à l'entraînement. » Ce n'est pas toi. Tu en as fait des choses considérées comme mal et néfastes pour les autres mais démonter une fille juste parce qu'elle t'a bousculée ce n'est vraiment pas toi. Mais peut-être que ça va le devenir ? Peut-être que tu peux devenir comme Michael. Tout semble plus simple pour lui. Il n'est que cruauté et devoir. « Magne toi, on va se trouver un endroit plus tranquille. » Puisqu'il est là autant qu'il serve de larbin. Tu te doutes en plus qu'il doit avoir quelques endroits en tête pour s'occuper du cas de cette fille. Après tout c'est une habitude pour lui.