Encore aujourd’hui, Maxence était persuadé que la femme à laquelle il rêvait, le soir venu, était encore et toujours Chef des Vipères. Pourtant, aujourd’hui, c’était spécial. Elle avait osé lui proposer un rendez-vous, malgré tous les dangers qu’il en découlait. Elle risquait gros et lui, encore plus. Il fallait bien que ce soit elle qui lui demande, pour faire dévier Maxence de ses habitudes rigides à l’obéissance des lois. Alors que tous pensaient Maxence comme un coureur de jupons, flirter avec tout ce qui avait des seins (et ils n’avaient pas tort!), la veille de leur rencontre, il n’avait pas fermé l’œil de toute la nuit.

Maxence - Et si c’était aujourd’hui, qu’elle démissionnait ? Non, l’idée lui trottait dans la tête mais … Jamais je peux croire qu’elle le fasse … Si ?

Depuis le temps qu’il attendait ça. Jamais il ne s’était résout de l’inciter à quitter ses fonctions, jamais il n’avait même abordé le sujet. C’était sûrement ce pourquoi ils s’appréciaient autant : eux deux partageaient un amour et une fidélité inconditionnelle à leur Clan. Il restait à savoir si une fois tous les deux dissociés de leurs origines, ils allaient aussi bien s’entendre.  Au terme d’une nuit interminable, il se réveilla les yeux pesants de fatigue. Toujours somnolent, il allait s’enfiler une camisole ébène, un jeans ainsi qu’un pesant ceinturon métallique. Il vérifia l’état de sa gourde d’eau puis après avoir noué ses bottes, commençait sa fastidieuse marche jusqu’au Lac.


Là où il habitait, les gens avaient habitude de se lever aux aurores. Il ne fut donc pas le seul à fouler le sol des Dragons à cette heure précoce. Il prit le temps de les saluer silencieusement d’un hochement de la tête, parfois d’un signe de la main et, aux plus jolies Dragonnes, parfois d’un sourire enjôleur. Ses deux mains venaient se nicher en ses poches et tranquillement, quittait les limites frontières du Clan du Nord. Il prit la direction du lac et dû passer par un petit boisé dans lequel, il dû faire gaffe pour ne pas s’empêtrer dans les racines mourantes des arbres.

Arrivé sur place, bien qu’encore à une très bonne distance, quelque chose lui coupa le souffle net. Ronds comme des billes, ses yeux n’en revenaient pas : deux types avaient abordé Nora et ils étaient ma foi, beaucoup trop près pour que ce ne soit qu’une simple discussion. Il fallait agir et vite. Pas le temps d’analyse, ni plus de temps pour l’attente. Sa main vint sitôt libérer de son étui son arme à feu fétiche : l’aigle du désert d’un calibre .357 magnum. S’il fallait qu’il en vienne aux armes, aucun homme sur terre ne pourrait tenir debout, une fois percé d’une de ses balles. Ainsi armé, il contourna le paysage afin de faire dos aux deux assaillants puis s’approchait en catimini. Certes loin d’être un expert en la matière, les pas de Maxence n’étaient pas indétectables mais les deux assaillants se montraient si concentrés sur leur cible, que jamais ils ne s’en étaient rendus compte.

Les pas s’enchaînaient et tôt, il vint à portée de main d’un des deux Libres. D’un geste complètement dénudé de douceur, un bras venait barrer la gorge d’un des Libres et le canon de son pistolet, épouser sa tempe avec la même intensité. Malgré que son cœur battait la chamade, il n’en fit rien paraitre parce qu’une fois la situation prise en main, il s’adressa à Nora en ignorant l’autre sans Clan :

Maxence - Je connais d'autres moyen pour attirer mon attention que celui-là, tu sais Nora ?  

Maxence devait me rejoindre mais ces deux Libres, qui ne me connaissaient visiblement pas, avaient décidé de me barrer la route. Et là, ils commençait à m'énerver un petit peu. Je n'avais pas envie de me battre en ce jour si spécial. J'étais plutôt chamboulée même si je refusais de le montrer. Après onze ans de loyaux services, j'étais à présent à la retraite. Cette situation me semblait bizarre, étrange, et même si je m'y étais préparée, j'avais encore du mal à m'y faire. Encore, ou déjà. Le pouvoir me collait à la peau et m'avait toujours correspondu. Je savais qu'Annabella serait une bonne Chef, elle était stricte et ne s'attachait à personne, sauf à moi. Elle aurait toujours un regard objectif et ne se laisserait pas avoir par ses sentiments. Une Chef se devait en effet d'être impartiale. Et surtout, fidèle à son clan, bien plus encore qu'une simple Membre. Et c'était cette fidélité qui m'avait empêché de profiter vraiment de celui dont j'étais progressivement tombée amoureuse... Maxence, ancien Tireur d'élite des Dragons.

Nous nous étions rencontrés il y a de nombreuses années. Je m'en souvenais encore comme si c'était hier. C'était lors d'une grande Traque organisée par tous les clans. Des Libres nous avaient séparés de nos groupes respectifs, nous nous étions retrouvés et nous nous étions entraidés, naturellement. On ne peut pas dire que ça avait été le coup de foudre entre nous. Au début, je l'avais trouvé vantard et macho. C'était un Dragon, il se croyait au-dessus de tout. Pourtant, au fil des ans, notre relation changea...

Et aujourd'hui, des Libres voulaient m'empêcher de le voir. Alors que nous nous étions retenus, que nous nous étions cachés jusqu'ici, par loyauté et respect pour nos clans respectifs. Alors, je devais bien avouer que je perdais mon sang froid, ce qui était plutôt rare. Et, même si je n'avais plus un clan à diriger, je n'acceptais pas qu'on me manque de respect ! J'étais une Chef, une ancienne Chef !

Alors que j'allais en venir aux mains pour qu'ils me laissent enfin tranquilles, j'aperçus Maxence qui se dirigeait vers l'un d'eux. L'expression de mon visage ne changea pas d'un millimètre, j'avais l'habitude des embuscades, et je me doutais bien qu'il n'allait plus trop tarder. Il surprit par contre les deux Libres, en attrapant un pour le menacer de son canon fétiche.  Il s'adressa alors à moi, profitant de la stupeur de nos deux opposants.

- Je sais, mais je vois que celui-ci aussi porte ses fruits. Et puis, ça ne te rappelle pas des choses ?

Je faisais allusion à notre rencontre, même si nous étions alors face à quatre Libres, et dans des conditions bien différentes.

- Lâche mon ami, toi.

Les Libres reprenaient leurs esprits. Celui qui venait de parler et qui était encore libre de ses mouvements se recula un peu. Il était hésitant, et ça se voyait. Maintenant que nous étions deux, et surtout qu'il y avait un homme dans le lot, ils n'étaient plus si sûrs d'eux. Encore des machos.

- Tu sais quoi ? Ils ont la même attitude que toi quand on s'est rencontré. Macho. Je suis une faible femme, ils n'ont pas peur de moi. Mais de toi, par contre ! Ils ont une de ces frousses depuis que tu es arrivé. Vraiment, je ne comprends pas ce que vous avez, vous, les hommes, à nous sous-estimer, nous, les femmes !

Maxence leur faisait peur, mais je ne voulais pas lui laisser la vedette. Il allait certainement se venter pendant des années de m'avoir sauvé la mise aujourd'hui si je ne réagissais pas. Moi qui ne voulais pas faire de vagues ni me battre, je n'avais plus vraiment le choix. Maintenant que mes assaillants avaient porté la plus grande partie de leur attention sur le Dragon, la tâche n'en était que facilitée. Ayant toujours préféré les combats au corps à corps, je m'approchai aussi discrètement et silencieusement qu'une vipère (normal) du Libre pour lui infliger un coup de pied dans les côtes, ce qui le fit basculer. Il ne s'attendait apparemment pas à ce que j'ai autant de force.

- C'est plutôt pour toi que tu devrais t’inquiéter, mon gars. Ce n'est pas faute de vous avoir prévenus ! lançai-je en haussant les épaules d'un air désinvolte.