Il y avait des journées savoureuses qu'on aurait voulu pouvoir vivre plus souvent. A mon réveil, il régnait dans le camp une certaine agitation. En me renseignant, j'avais appris que des Libres avaient été repérés près de nos frontières et qu'une équipe était partie pour les intercepter. Super, les Jaguars allaient encore comptabilisés une nouvelle dérouillée. Même si j'aimais voir les vassales de cette putain échouer, je restais fidèle à l'esprit du clan alors il aurait été difficile de m'en réjouir réellement. Pourtant, je restais à proximité du Quartier Général pour attendre leur retour. Seulement lorsque trente minutes plus tard, Sandy fit une apparition éclaire, je compris que quelque chose d'inhabituel était entrain de produire. Me gardant bien de me montrer, je l'observais réquisitionner toutes les personnes qu'elle croisait. Mac et Shinichi, qu'est-ce qu'elle comptait faire avec ces demi-portions ? Ryder se joignit à la bande avant qu'elle ne disparaisse.

En début d'après-midi, c'est un étrange cortège qui pénétra sur notre territoire. Impossible ?! Le clan poubelle ne pouvait décemment pas avoir capturé neuf Libres ! Avec une certaine curiosité, je sautais de mon perchoir pour m'approcher. Le club des minus était entrain de les surveiller, peu connaisseur de la procédure.

- Ce n'est pas très intelligent de les laisser à l'air libre comme un troupeau.

Sourire sardonique aux lèvres, je bousculais légèrement le blond pour passer. Ce geste ne lui plût pas vraiment et il me saisit l'épaule. S'il comptait de me frapper, c'est qu'il ne tenait pas à sa vie. Pourtant, son attitude me passa soudainement au-dessus de la tête. L'un des Libres me disait quelque chose. Je le rejoignais et lui arrachais brutalement sa capuche.

- Soran, je savais que c'était toi ! Tu n'étais donc pas mort, traître !

Je le poussais brutalement sur le sol et lui envoyais un coup de pied dans l'estomac.

- Ce type est le fils de Peacemaker. Vous n'êtes donc au courant de rien ?

Certains membres du groupe étaient terrorisés, d’autre ressemblaient à des zombies, et d’autres encore semblaient tout à fait calme. C’était mon cas. Je suivais le mouvement sans me faire remarquer, photographiant mentalement les Membres que nous croisions. Nous marchâmes un moment avant d’être arrêté comme un vulgaire troupeau. Repérant une grosse pierre près d’un mur éboulé, j’allais m’y asseoir en soupirant. Les évènements s’étaient enchainés tellement vite que la situation m’avait échappée, et je me devais de la reprendre en main. Si j’avais bien compris, nous étions sur le territoire des Jaguars du Sud. Je n’avais pas entendu que du bien de ce clan… en fait je n’avais pas entendu du bien d’aucun clan, mais bon, la réputation des Jaguars était vraiment peu glorieuse. Pourtant, ils semblaient avoir remporté cette manche… Repérant les Membres du regard, je cherchais à savoir pourquoi ce clan était si mal considéré. C’est alors qu’un nouveau fit son apparition dans le groupe, un sourire mauvais aux lèvres. Il ne lui fallut pas longtemps pour s’attaquer à l’un des garçons qui nous accompagnaient. Je l’avais repéré pour son calme, mais surtout à cause du petit chien qu’il dissimulait sous ses vêtements. Le pauvre n’eut pas le temps de faire le moindre geste qu’il se retrouva par terre et reçus un coup de pied dans le ventre. Etrangement, je ne pensais pas au jeune homme, mais bien à l’animal qui devait avoir encaissé le coup plus que son maître. D’un bon, je me ruais sur l’agresseur afin de stopper ses coups. Je lui sautais littéralement dessus afin de le mettre à terre à son tour et laisser du répit au jeune homme et à ses compagnons. Affichant un petit sourire innocent, je fis en sorte de peser de tout mon poids sur le Membre à terre.

« Oups, désolé, j’ai trébuché… »

Le calme régnait au sein du QG. Appuyée sur l'une des tables présente dans la salle de réunion, j'observais d'un œil discret une lézarde sur un mur alors que Jude avait entrepris de soigner mon bras blessé. J'avais été bien amochée par une balle durant l'affrontement, mais je n'avais pas eu le loisir de passer par l'hôpital avec les autres car il fallait préparer le retour des blessés. S'il n'y avait pas eu de pertes, certains auraient besoin de repos avant de recouvrer la santé. Noâ serait sûrement celle qui mettrait le plus de temps à se remettre au vu de ses différents plaies. Alors que la Soumise terminait son bandage et plaçait mon bras en écharpe, la porte s'ouvrit brusquement et alla cogner le mur. Je sursautais légèrement, mais cet état de surprise disparu aussitôt que le Membre peu scrupuleux se soit posté devant moi. Il s'agissait de Shinichi qui peinait à recouvrer une respiration suffisamment stable pour réussir à parler de façon compréhensible.

- Un...problème...avec...les Libres...

Comment cette bande de trouillards avait pu poser des soucis à deux Membres ? Certes, ils étaient encore assez jeunes, mais ils n'étaient pas non plus complètement idiots et surtout, ils avaient des armes. Poussant un soupir, je le suivais à l'extérieur où les raflés avaient été conduits. Je tombais alors sur une scène des plus intéressantes. Abel était courbé vers l'avant, les bras croisés devant son entre-jambe pour se protéger et son visage avait pris une teinte rouge écrevisse. Aucun doute, il venait de se prendre un bon coup dans les parties. Lâchant un petit rire narquois, je m'approchais un peu pour voir de quoi il s'agissait. Mon bras valide était derrière mon dos, les doigts serrés sur la crosse de mon revolver. Connaissant ce merdeux d'Abel, il était plus prudent que je reste sur mes gardes. Ce dernier se redressa un peu et me fusilla du regard.

- Qu'est-ce que tu fous là, cabot ?!
- Ta gueule ! Toi, la rousse, qu'est-ce qu'il se passe ici ?

Sous les yeux courroucés de Abel, je rejoignis la gamine et me postais devant elle, prenant garde à ne surtout pas tourner le dos à l'homme.

La gosse ne se fit pas prier pour m'expliquer la situation. Son innocence me parut étrange vu la situation, mais je n'y prêtais guère attention, peut-être un peu grisée par la souffrance visible sur le visage de cet abruti d'Abel. Visiblement, il avait encore joué les brutes en s'en prenant à l'un des Libres que la rousse me désigna. Lorsque mes yeux tombèrent sur le jeune homme, ils s'agrandirent sous la surprise et je retournais machinalement sur le sourire satisfait de l'ancien. Je savais la même chose que lui désormais et sur le coup, je comprenais un peu mieux son accès de violence. Pendant ce temps, le Libre qui n'en était pas vraiment un en avait profiter pour se mettre debout et il ouvrit son sweat-shirt, laissant apparaître un animal. C'était un chien dont il vérifia l'état de santé avant de le déposer dans les bras de la fille. Visiblement, il tenait à le mettre en sécurité en prévision de ce qui allait suivre.

- Putain et il a fallu que ça arrive justement aujourd'hui...

D'un geste de la main, j'invitais Mac à s'approcher et désignait le Libre problématique.

- Ce type, tu l'amènes chez Peacemaker.

Le blond tenta bien de protester, mais ils finirent pas disparaître à l'intérieur du QG. Au moins, dans un premier temps du moins, ce ne serait pas à moi de me charger de ce problème. Le vieux Peace était son père après tout, il saurait bien mieux que moi gérer la situation. Je me tournais en direction de Abel.

- Évacue, y a plus rien à voir.
- Sale chienne.

L'enfoiré ! Je lui envoyais un crochet du doigt dans la mâchoire et le fusillais du regard. S'il osait me rendre ce coup, il aurait un bon paquet de problèmes et même lui ne pouvait pas trop se le permettre. Crachant un peu de sang mélangé à sa salive, il s'essuya ensuite la bouche et partit en direction des frontières dans une démarche furibonde.

Le départ de Abel détendit un peu l'atmosphère. La situation n'en restait pas moins problématique et j'étais toujours en présence de quelques Libres qui semblaient en proie à la peur. Nous avions pourtant pas été foncièrement violent avec eux et la plupart d'entre-eux partirait certainement avant la nuit. Ce soir, il ne resterait que ceux qui accepteraient de venir grossir les rangs de nos Soumis. Et encore seulement s'ils étaient acceptés. La rousse s'interrogea d'ailleurs sur le sort qu'ils allaient subir.

- Vous allez rester ici quelques heures le temps que cela se tasse au dehors des frontières et puis ceux qui voudront repartir le pourront. Mais nous accueillerons les personnes souhaitant nous rejoindre. Cela vaut pour vous tous. Sauf pour toi.

Je désignais l'adolescente en la fixant. Elle était plutôt intéressante malgré son jeune âge et j'étais certaine que son caractère plairait à ma Chef.

- Il y a quelqu'un que j'aimerais que tu rencontres.

J'attrapais le chien par la peau du cou et le passais à un autre gamin à l'air passablement terrorisé. Je la saisis ensuite par le bras et l'emmenais vers le QG.