"You set my hair on fire !"
"You needed a haircut anyway."
Jour 9 - Libre

Donc, Johanne faisait la gueule. C'était simple, clair, naturel. Un état normal pour cette adolescente revêche qui décidément n'était pas gâtée ces derniers temps. Sa situation générale ne s'arrangeait pas avec les jours depuis la rébellion, mais en plus il y avait les missions stupides de Reed. Apprends à survivre, Johanne. Il faut bien que tu sois capable de te débrouiller. Tente de cuisiner, Johanne. Non, en fait, apprends à faire du feu avant. Tu verras, ce n'est pas compliqué. Le discours de sa presque-mère lui tournait en tête alors qu'elle tournait autour des toutes petites flammes qui cramaient les brindilles. A côté d'elle se tenait une autre Soumise bien trop naïve pour son propre bien qu'elle avait réussi à embobiner. Elle n'était pas très douée pour manipuler les gens, pour ça il aurait fallu qu'elle s'intéresse à eux et ça, vraiment, c'était un effort bien trop grand. Néanmoins, cette fille là n'était pas difficile. Elle était un peu débile sur les bords, le genre qui avait échappé miraculeusement à la mort à la naissance aux yeux de Jo. Franchement, vu son intelligence, il aurait probablement mieux valu qu'elle y passe avec les autres bébés bizarres. D'un autre côté, si cela s'était produit, elle n'aurait plus personne sur qui compter donc elle évita de faire un commentaire à ce sujet. La mission feu avait mis un peu de temps à être validée et il n'avait pas belle allure, mais au moins il s'était allumé. Un miracle aux yeux de la Soumise, pour Johanne, c'était juste le talent. Elle pouvait tout faire après tout. Elle pouvait même faire grandir ces flammes.

Un certain nombre de tentative plus tard ainsi que beaucoup trop de soupirs et d'injures, elle ne fut plus si sûre et elle détesta ça. Sans réfléchir, Johanne balança le bout de bois qu'elle avait en main dans le feu, faisant décoller les braises. Il n'en fallut pas plus pour qu'une catastrophe se produise. Les brasillons allèrent se poser dans les cheveux de la pauvre Soumise qui cria sous la piqure de la douleur et se mit à courir en geignant. Pas coupable pour un sou, Jo croisa les bras sur son torse et la fixa.

- Le lac est à quinze mètres...

Elle avait fini par lui glisser une petite indication parce que, vraiment, elle n'aimait pas cette odeur de cochon grillé. En plus, les cris lui tapaient sur le système. Et le comble, c'était que le feu était maintenant mort...

C’est dingue comme les choses s’étaient enchaînées à vitesse grand V… Eli, ma nouvelle mission, entre autre… D’ailleurs, aujourd’hui avait-été une journée particulièrement chargée. Entre l’entraînement matinal, ma visite chez les Aigles (où j’en avais profité pour faire mes petites « emplettes », et ma mission chez les Jaguars, je n’avais pas eu le temps de m’ennuyer. Et je me sentais de particulièrement bonne humeur, même si mon passage à l’Est aurait pu assombrir tout ça… Mais bon, là tout de suite, en fin de journée, alors que je m’apprêtais à rentrer chez moi, j’étais souriante et légère. A tel point que je décidais de ne pas rentrer tout de suite. Après tout, j’étais une Aigle aujourd’hui, comme l’attestait le brassard accroché à mon bras, que j’avais « emprunté » ce matin à une dénommée Pauline. Je n’étais pas très fan de ce prénom, mais j’avais fini par m’y faire. Et j’avais également du teindre mes cheveux en rouge (ajouter au prénom, cette fille n’avais vraiment rien pour elle…)

J’avais donc décidé de profiter un peu plus longtemps de mon personnage pour flâner au Sud. Je me dirigeais donc vers le lac des Jaguars d’un pas nonchalant lorsqu’une odeur étrange vint m’irriter les narines. Je plissais le nez en grimaçant, mais j’étais curieuse de savoir ce qu’il en était de cette odeur de… viande grillée ? Le genre d’odeur qu’on sent lors de la Fête des Orage ou d’un bûché funéraire…

Je chassais bien vite cette idée de ma tête alors que j’arrivais en vue d’une jeune blonde et d’une autre fille avec de la fumée se dégageant de sa tête qui courait vers le lac, que j’avais donc trouvé. Je m’approchais d’un pas prudent et m’arrêtais à deux mètre de la blonde, fixant toujours l’autre fille qui paniquait en essayant d’éteindre ses cheveux.

« Y a d’autre moyen pour refaire sa coiffure… »

C’était la première idée qui m’était venue à l’esprit, ou du moins à l’esprit de Pauline… Pas très futée, mais cela lui permettait de ne pas avoir vraiment conscience du danger. La parfaite innocente qui se retrouve toujours au mauvais endroit, au mauvais moment…

Johanne ne s'était pas attendue à voir quelqu'un arriver. Le lac était plutôt calme à cette période de la journée et c'était bien pour ça qu'elle avait choisi d'y venir pour s'entraîner à démarrer un feu. En entendant les pas, elle jeta un œil par-dessus son épaule et fut soulagée de voir qu'il s'agissait d'une fille. Elle lui disait rien du tout, mais elle n'était ni physionomiste, ni intéressée donc comme d'habitude, elle ne fit pas attention à ce détail. Elle ne la salua pas non plus, sympathique était loin d'être son second prénom. Seulement, sa réplique intéressa un peu la blonde qui fit l'effort de se tourner et haussa les épaules avec désinvolture.

- Parfois, il faut savoir utiliser les grands moyens.

Elle ricana un instant, mais le son mourut dès que le calme fut revenu du côté du lac. Visiblement, la Soumise avait finalement réussi à éteindre ses cheveux et elle gisait soulagée dans l'eau. Voilà qu'elle n'était même plus une distraction, quelle chose inutile ! Johanne allait donc devoir se satisfaire de la nouvelle venue qui décidément tombait à pic.

- A toi aussi, un changement capillaire te ferait pas de mal.

La réplique de la fille était sans appel, et m’arracha un rire bref. Lorsque les cris stoppèrent, le silence plana un instant avant que la blonde ne se tourne à nouveau vers moi, me proposant ses services de coiffure. Je pinçais les lèvres et m’approchais des restes du maigre feu qui semblait avoir déclenché tout ça. Je l’observais un moment puis relevais les yeux sur la fille avec un sourire innocent.

« M’en veut pas, mais je vais me passer de ta méthode. »

De toute façon, si elle voulait me cramer, il aurait fallut qu’elle rallume ce semblant de feu, et les choses ne semblaient pas gagnées…

Je repris sur le même ton, ignorant la fille toujours dans l’eau. Pauline avait du mal à se concentrer sur plusieurs choses en même temps…

« Je m’appelle Pauline, et toi, la coiffeuse ? »

Voir cette fille qui s'approchait de son échec appelé feu fit froncer les sourcils à la blonde. Elle s'attendit presque à mordre en réponse à un commentaire mauvais, mais rien ne vient aussi se contenta-t-elle de croiser les bras sur sa poitrine. Quand les yeux de l'inconnue furent à nouveau sur elle, la blonde tint son regard, en attente, mais elle n'eut à essuyer qu'un refus. Elle rigola, l'air narquois, en réponse.

- Ta perte.

Johanne n'était pas vraiment une pro de la conversation, elle n'allait sûrement pas faire plus d'efforts que ceux qu'elle avait déjà fait. Si cette nana aux cheveux horriblement criards voulait parler, elle n'avait qu'à venir avec un sujet plus intéressant. Elle jeta un coup d’œil à sa malheureuse victime qui geignait au sujet de ses cheveux. Pourquoi ne déguerpissait-elle pas ? A ce moment là, l'autre fille se présenta et la blonde daigna lui lancer un regard.

- T'as pas une tête à t'appeler Pauline.

Johanne ou la délicatesse personnifiée. Elle haussa néanmoins juste les épaules, pas décidée à creuser le sujet. A la place, elle s'enorgueillit de pouvoir se présenter comme elle le souhaitait puisque l'autre ne la connaissait pas.

- Johanne, future Chef du clan. Oublie pas ce détail, Paulie.

La fille ne semblait pas très bavarde, ni très sociable en fait. Lorsqu’elle fit remarquer que je n’avais une tête à m’appeler Pauline, je haussais simplement les épaules et répondit avec un petit sourire.

« Vas dire ça à mes parents. »

Heureusement pour moi, la blonde ne chercha pas plus loin, et puis je le prenais comme une flatterie en soi. Finalement, la fille se présenta à son tour, sa tête gonflée d’orgueils. Je du prendre sur moi pour ne pas pouffer de rire et rester dans mon rôle : Pauline l’admirative première partie !

« Futur Chef du clan ? Sérieusement ? Waw, j’en ai de la chance dit donc ! »

J’étais parfaitement sérieuse. Aucune trace de sarcasme ou de moquerie ne paressait dans mes mots, et j’affichais un air ravis. Ok, la fille ne se prenait pas pour de la merde, mais au moins pourrais-je apprendre des choses intéressantes, qui sait ?

« Et qu’est-ce que tu feras quand tu sera Chef ? »

Oui enfin, si Pauline voulait poser des questions un peu plus… intéressantes… Parce que là tout de suite j’avais un gros doute sur le fait que cette fille allait réellement finir Chef de clan. Enfin je pourrai toujours bifurquer sur les changements qu’elle voudrait apporté par la suite…