Admit your fate, admit you have failed - PV Violette (jour 5)
Yulia était d'une humeur massacrante. La veille, elle avait échoué dans sa mission pour récupérer son bien et la nuit n'avait pas été en s'améliorant. Frustrée par l'échec, elle avait eu un mal fou à s'endormir et lorsqu'elle avait enfin plongé, elle s'était retrouvé prise dans un rêve des plus étranges. Elle s'était réveillé en sursaut, le corps couvert de sueur et avec la quasi certitude que son rêve avait un rapport avec la dragonne qui tourmentait ses pensées depuis peu. Être ainsi dérangée par cette garce même dans son sommeil réchauffa la colère de Yulia qui fut bien incapable de se rendormir par la suite. Elle avait fait les cent pas dans sa maison et avait accueilli le lever du jour avec mauvaise humeur. Elle commençait sa garde dans quelques heures et envisager de ne pas être au top à cause de l'autre fille lui hérissait le poil.

Même si ce n'était pas exactement dans ses habitudes, Yulia avait décidé d'aller se faire un rail d'iridescente avant d'aller travailler. La drogue compenserait sa fatigue et lui permettrait de tenir pour la journée à venir. Le centre neutre était encore agité et ce n'était vraiment pas le moment d'être distraite. Après s'être rapidement habillée, elle fila vers le bar à drogues. Il était encore très tôt, mais elle préférait se procurer sa dose rapidement avant de rejoindre sa partenaire. Leonor aurait peut-être aussi besoin d'un petit coup de pouce, c'était une mauvaise période pour tout le monde. Quand la vipère pénétra dans la bâtisse, elle marqua un temps d'arrêt à la porte. Violette était là. Sur SON territoire.

— Qu'est-ce que tu fous ici ? cracha-t-elle sous la surprise alors que ses yeux s'arrondissaient. Tu me poursuis ou quoi ?

C'était la seule raison que Yulia trouvait à sa présence sur le territoire des vipères. Elle n'avait rien à faire là. Elle avait le droit d'être ici dans les faits et à vrai dire Yulia ne voulait pas vraiment connaitre le pourquoi. Enfin si peut-être un peu, elle devait bien l'avouer. Elle n'aurait pas imaginé la dragonne consommer une quelconque drogue qui plus est. Il était encore un peu tôt pour tout ça en plus.

Yulia grogna quand elle se rendit compte que son esprit divaguait et qu'elle n'avait pas encore bougé. Elle marcha rapidement vers le comptoir et se planta à côté de la dragonne, l’œil en feu.

— Ce n'est pas très malin de venir ici alors que nous avons un compte à régler. T'aurais pas un truc qui m'appartient avec toi par hasard ?

Yulia était cassante et tendue. La fatigue ne lui réussissait vraiment pas et la dragonne semblait toute désignée pour évacuer cet excès de colère. Tout ça, c'était de sa faute. Elle pouvait bien subir un peu la mauvaise humeur de la vipère en compensation.

C'est difficile pour toi de l'admettre mais tu as besoin d'un coup de pouce. Ces derniers jours ont été particulièrement éprouvants et les quelques heures de sommeil que tu as pu grappiller à gauche et à droite n'ont pas réellement aidées. Tu es crevée mais il est inconcevable pour toi de ralentir le rythme. Tu ne peux tout simplement pas te le permettre. Il en va de ta réputation et en quelque sorte de ta sécurité. Aussi quand tu entends ces Dragons parler d'une drogue conçue par les Vipères – l'Iridescente si tu as bien saisi le nom – qui permet d'éloigner la fatigue pour un temps tu sautes sur l'occasion. Tu n'es pas une habituée de ce genre de choses. Tu n'as même jamais mis les pieds au bar à drogues mais tu sais où le trouver. Peut-être que tu le regretteras par la suite mais tu es prête à tenter le coup si le produit te permet de tenir pour la journée. Lorsque tu arrives devant le bâtiment après une longue marche tu ne peux pourtant pas t'empêcher de marquer un temps d'arrêt. Ca te fait bizarre d'aller te fournir chez l'ennemi. Généralement tu ne traînes pas avec les autres clans. Tu n'y vois pas d'intérêt. Sauf qu'ici tu es clairement intéressée et c'est ce qui te pousse à ouvrir la porte. A l'intérieur, une étrange fumée flotte. Ce n'est pas ce que tu appellerais une sensation agréable mais l'endroit n'est pas si mal que ça. Tu t'avances jusqu'au comptoir auquel tu t'appuies avec une certaine raideur. Tu n'es pas prête d'oublier que tu te trouves en territoire hostile et tu es d'ailleurs prête à dégainer à tout moment la dague cachée dans ta manche. Tu espères pourtant ne pas avoir à le faire. Tu ne tiens pas à t'attirer des problèmes inutiles. Fort heureusement une femme t'aborde rapidement et tu peux marchander tes rations avec elle en échange de trois doses de la fameuse drogue. Tu as écouté avec attention son explication et t'apprêtes à fourrer ton achat dans la poche de ton short lorsque quelqu'un entre. Par réflexe, tu jettes un œil par-dessus ton épaule et tu gèles quand tu vois que Yulia se tient à la porte. Merde, il ne manquait plus que ça. Quelque chose te dit que la Vipère ne va pas t'aider à ne pas attirer les ennuis.

YULIA – Qu'est-ce que tu fous ici ? Tu me poursuis ou quoi ?

Tu pousses un soupir tout en continuant ton geste pour ranger la pochette pleine de l'étrange poudre brillante. Durant tout le processus tu t'es appliquée à ne pas quitter Yulia des yeux et tu remarques sans mal qu'elle est de mauvaise humeur. Tu te serais attendue à la voir en colère mais elle paraît plutôt grognon.

VIOLETTE – Étrange... Je pensais pourtant que c'était toi qui m'avait fait appeler la dernière fois. A l'hôpital tu es entrée après moi. Même chose ici. Je sais que je suis irrésistible mais quand même.

Tu feins d'être pensive mais un sourire narquois glisse trop vite sur tes lèvres. Tu es plutôt satisfaite de voir que tu parviens à garder le contrôle aujourd'hui contrairement à l'autre fille qui prouve son énervement d'un grognement. Même alors qu'elle s'approche de toi tu conserves ton sourire et tu t'appliques à faire preuve de nonchalance alors que tu maintins ton appuis sur le bar.

YULIA – Ce n'est pas très malin de venir ici alors que nous avons un compte à régler. T'aurais pas un truc qui m'appartient avec toi par hasard ?

Et voilà qu'elle remet cette histoire de collier sur le tapis. Tu affiches ta moue la plus innocente mais il t'est difficile de cacher ton amusement.

VIOLETTE – Désolé ce que je t'ai pris n'est pas récupérable. Mais on peut toujours trouver une sorte de compensation.

Tu reluques ses lèvres sans t'en cacher. Tu n'es pas certaine de la réaction qu'elle aura mais au vu de son attitude suite au baiser quelque chose te dit que ça faudra probablement le coup d’œil.

Violette était bien ici pour acheter de la drogue. Cette constatation frappa Yulia et elle ne put ignorer la pointe de curiosité qui s'était glissée en elle. Pourquoi ? Et laquelle ? Elle chassa bien vite les questions, son énervement prenant à nouveau le contrôle. Au fond, elle se fichait bien d'apprendre que la dragonne se droguait. Peut-être même que cela expliquerait ses problèmes comportementaux. Et voilà qu'elle y repensait. Yulia se força à se concentrer sur le regard que lui adressait Violette, mais cela ne l'aidait pas vraiment à garder le contrôle de ses pensées. Bien au contraire, les iris noisettes de la dragonne ne faisaient que lui rappeler les choses qu'elle avait tant bien que mal refoulées au réveil.

Il suffit pourtant que Violette reprenne la parole pour que Yulia soit complètement reconnectée avec son envie de lui effacer le foutu sourire qu'elle affichait désormais. La dragonne tentait à nouveau de se jouer d'elle et la vipère ne supportait pas cela. Même si elle se rendait bien compte de la manœuvre, Yulia était bien incapable de ne pas entrer bêtement dans son jeu. Habituellement, elle ne se laissait pas traîner sur ce genre de pente, mais les habitudes ne servaient à rien lorsqu'il s'agissait de cette peste du nord. Qui avait un petit quelque chose d'irrésistible, elle devait bien l'admettre même si elle détestait ça. Son attitude était rageante pour une Yulia grognon qui peinait à effacer les images qui défilaient dans sa tête. Pourquoi était-elle autant affectée par un stupide rêve d'ailleurs ?!

— Oh la ferme !

C'était maigre comme réplique, mais Yulia ne se sentait en cet instant pas en mesure de faire mieux. Elle préféra donc se concentrer sur un élément neutre : le collier. Elle n'était pas décidée à lâcher le morceau et même si elle regretta un peu de s'être tant approchée de Violette, elle garda ses positions. Le rapprochement fut encore plus difficile à assumer après ce que la dragonne venait de dire. Il fallut quelques secondes à Yulia pour comprendre exactement ce qu'elle sous-entendait et avant même qu'elle n'ait pu capter le changement subtil dans son corps, ses joues rougirent avec force. Elles n'étaient définitivement pas sur la même page. Yulia baissa la tête et arrangea furieusement ses mèches pour cacher sa gêne. Le baiser. Cette discussion ne l'aidait vraiment pas à garder le rêve loin de son esprit et il se rejoua tout naturellement dans sa tête.

— Une compensation ? souffla-t-elle en déglutissant difficilement.

Lorsqu'elle se rendit compte qu'elle avait parlé à voix haute et que ses yeux étaient remontés le long du corps de la dragonne pour s'arrêter sur sa bouche, Yulia se redressa brusquement. Elle avait eu un sursaut de lucidité et fit un pas en arrière, fusillant Violette d'un regard noir. La vipère offrait un spectacle bien pitoyable et elle supportait assez mal cette sorte d'emprise que l'autre fille avait sur elle. Elle ne la comprenait même pas.

— Ne fais pas l'innocente, tu sais très bien de quoi je parle.

Inutile d'être particulièrement sensible aux émotions des autres pour comprendre celles de Yulia. Cette fille fulmine et tu as la sensation que cet énervement n'est pas seulement provoqué par votre dernière rencontre et la perte de son précieux collier. Il y a quelque chose d'autre qui la prends aux tripes et l'a fait mordre. Tu as bien une théorie à ce sujet mais tu n'es pas certaine que l'exposer soit une bonne idée. De plus tu ne sais pas si tu tiens vraiment à ce qu'elle nourrisse ce genre d'intérêt à son égard. Parce que naturellement, ce n'est pas ton cas. Tu te plais juste à ennuyer la Vipère mais tu ne lui prêtes aucun réel intérêt. Elle est amusante mais c'est bien la seule chose que tu peux lui concéder. Amusante et agaçante à la fois. Depuis la mort de Chad tu as bien besoin de t'amuser, c'est uniquement pour ça qu'elle est encore entière. Ça et le fait que tu n'es pas censée d'attirer des ennuis auprès des autres clans sous peine d'avoir Jayden sur le dos. Et il n'y a rien de pire que de subir cet emmerdeur nouvellement promu Second.

YULIA – Oh la ferme !
VIOLETTE – Tant d'éloquence, j'en suis toute retournée.

Tu feins une moue choquée en plaçant une main sur ton cœur. Hier, elle avait bien plus de verve ce qui n'est qu'une preuve supplémentaire pour étayer ta théorie. Il y a aujourd'hui quelque chose de différent. Et cette différence te concerne tout particulièrement. Tu te plairas donc à en jouer car au fond tu brûles de prendre ta revanche. La veille, elle t'a mise en défaut pour une raison qui t'échappe encore mais aujourd'hui les rôles sont inversés et Yulia sera celle qui ne saura plus sur quel pied danser. Tu t'armes donc de ton attitude la plus séductrice pour la suite et les résultats ne se font pas attendre. Tes paroles provoquent un rugissement furieux sur ses joues et durant l'espace d'une seconde tu admires cette nuance craquante sur sa peau. Mais ta mission te revient rapidement en tête et il n'y a plus qu'un sourire légèrement moqueur sur tes lèvres. Elle se trémousse sous la gêne, sa main arrangeant maladroitement ses cheveux alors qu'elle semble incapable de maintenir un contact visuel. Elle en serait presque mignonne. Presque car tu n'oublies pas comment elle t'a retourné la tête hier et la blessure qui te lance encore à l'abdomen.

YULIA – Une compensation ?

Tu l'as tiens. S'en est presque trop facile. Sa voix est une preuve déjà évidente mais la voir te reluquer en est encore une de plus. Yulia est un livre ouvert. La situation change pourtant en un clignement de paupière. La Vipère est soudainement plus alerte et sa férocité refait surface. Tu notes pourtant sa tentative de mettre un peu d'écart entre vous qui la force à reculer face à toi. Même alors qu'elle tente de se reprendre elle continue à semer des indices.

YULIA – Ne fais pas l'innocente, tu sais très bien de quoi je parle.

Bien sûr que tu sais. Elle parle de cette jolie tête de félin gravée dans l'os qui se trouve au creux de la poche de ton short. Depuis trois jours tu ne t'en sépares plus et s'il ne s'agissait pas d'un signe d'appartenance au Sud tu le porterais sûrement au cou juste pour le plaisir de la narguer. Mais tu continues à jouer l'innocente en restant uniquement sur la voie qui t'intéresse. Tu te redresses tranquillement pour étirer nonchalamment ton dos et tu n'ignores pas que faire ça fera remonter légèrement ta chemise. Au passage tu effectues une avancée dans l'espace de Yulia et dès que tu as terminé ton cirque tu viens poser tes bras sur les épaules de la Vipère, nouant tes mains loin derrière sa nuque. Vous êtes désormais proches mais vos seuls points de contact reposent sur ses épaules.

VIOLETTE – Je disais donc une compensation.

Tu lui murmures à voix basse.

VIOLETTE – Je t'ai volé un baiser, tu m'en voles un. Comme ça le tour est joué. Encore que je suis presque certaine que tu as déjà eu le tien hier mais s'il ne faut que ça pour que tu arrêtes de me poursuivre, je veux bien faire un effort.

Après avoir passé trois moments distincts en sa compagnie, Yulia pouvait le dire désormais. Violette n'était pas la dragonne stéréotypée qu'elle avait cru voir le premier jour. Elle était plus complexe et arborait de multiples facettes bien trop différentes les une des autres pour que la vipère n'en soit pas troublée. Tantôt agressive, tantôt séductrice, tantôt perdue, tantôt taquine,... C'était à ne plus rien comprendre. Mais plus que ça c'était attirant. Violette était attirante, c'était indéniable et c'était là la source de frustration la plus alimentée de Yulia. Elle tentait tant bien que mal de remonter ses défenses, mais sa colère et la honte d'afficher un tel comportement ne l'aidaient pas dans cette entreprise. Elle avait laissé la dragonne rentrer trop loin et maintenant elle était prise en tenaille entre l'envie de lui fracasser la tête contre le comptoir et celle de la plaquer contre ce même comptoir, mais avec un but bien différent dans la tête. Ridicule. Elle était ridicule.

Son corps l'a trahi cruellement lorsque Violette décida que le moment était judicieux pour s'étirer. Les yeux de Yulia suivirent automatiquement le mouvement de ses vêtements et elle attrapa juste un morceau de ventre tonique au dessus de la ceinture de son short. Ce jeu était parfaitement injuste. La vipère le regard vers le plafond, ignorant la contraction dans son abdomen. Elle retient aussi un grognement de pure frustration qui sortit finalement sous la forme d'un glapissement ridicule quand elle sentit les bras de Violette sur ses épaules. Dans la tête de Yulia, le chaos était total. Au milieu de tous les signaux de détresse, elle tentait de se rappeler de respirer. L'idée de s'asphyxier n'était pourtant pas la plus dérangeante puisque la mort aurait au moins le don de la sortir de cette situation plus qu’embarrassante. La vipère déglutit bruyamment. Même si elle ne la voyait pas, elle pouvait sentir la proximité de la dragonne qui se tenait d'une telle façon qu'elle était à la fois beaucoup trop proche et beaucoup trop éloignée.

Le discours de Violette poussa pourtant Yulia à redescendre visuellement parlant et elle fit l'erreur de regarder les yeux noisettes de l'autre fille. Inspire Yulia, inspire, tu peux le faire. se dit-elle parce que ne voulait en réalité pas s'évanouir. Elle ne savait pas ce qu'elle voulait du tout en réalité. Il lui aurait été aussi facile de s'écarter que de chercher le contact de la dragonne. La chose était simple. Soit elle s'esquivait par en bas, soit elle se laissait aller contre elle. Ce qui se révélait être aux yeux de Yulia un choix équivalent à celui de devoir choisir entre une mort rapide et une lente torture permettant de rester en vie.

— Je ne te poursuis pas... murmura-t-elle par principe.

Ce n'était pas vraiment l'envie qui lui manquait pourtant. Après une nouvelle déglutition bruyante et douloureuse, elle tendit lentement les mains vers la dragonne et glissa ses doigts dans les poches de son short pour la tirer un peu plus près d'elle. Elles ne se touchaient pas encore, mais le couloir d'air froid entre elles semblait désormais restreint. Ce geste sembla calmer un peu le karma qui se déchainait sur Yulia et alors qu'elle creusait un peu plus profond dans la poche, elle tomba sur le sachet de poudre que la dragonne avait glissé là plus tôt, mais surtout sur ce qui l'avait poussée à fréquenter trop souvent cette fille. Les yeux de Yulia s'élargirent alors qu'elle serrait le pendentif entre son index et son majeur pour le sortir habillement. Dès qu'il fut en sa possession, la vipère s'esquiva habilement et mit quelques pas de distance avec Violette. Elle avait été à deux doigts de craquer, mais la raison était revenue pour guider ses actes et maintenant elle arborait fièrement son bien. Cette victoire lui redonna confiance et le gonflement de l'orgueil lui permit d'éviter de trop penser à ce qu'elle avait ressenti en s'éloignant. Elle oublia presque qu'elle avait manqué la chaleur du corps proche de Violette en moins d'une seconde.

— Je savais que tu ne l'avais pas jeté ! Je gagne. Fin du jeu.

Un jeu. On ne pouvait pourtant pas dire que toute cette histoire avait été un jeu. Tout avait été beaucoup trop réel pour qu'il ne s'agisse que d'une mascarade. C'était d'ailleurs là tout le problème. Décidée à en finir avant d'être rattrapée par cette réalité, Yulia fila vers la sortie. Le bar à drogues était devenu étouffant et elle avait besoin d'air. Dehors, elle se mit à respirer un peu mieux, mais la tension était toujours là. Et l'envie de partir n'était pas si grande maintenant qu'elle y prêtait vraiment attention. Elle n'était rien, à peine une goutte d'eau dans l'océan, à côté des autres envies contre lesquelles Yulia se débattait.

Il est délicieux d'attirer l'attention de Yulia. Cette fille est hétéro tu en certaine puisqu'elle te l'a dit mais malgré tout tu l'attires. Tu l'attires bien plus qu'elle n'est prête à l'avouer. Si son esprit lutte encore, son corps lui te donne toutes les réponses que tu souhaites voir. Il est difficile de louper le coup d’œil qu'elle vient de te lancer et maintenant elle détourne ostensiblement le regard pour éviter d'assister encore à ta séance de stretching impromptue. Tu es étonnée de ne pas voir du rouge colorant ses joues. Et c'est dommage. Tu aurais aimé voir un rose tendre sur sa peau et c'est aussi dans ce sens que tu pousses le jeu plus loin en la touchant un peu. Juste un peu. Ton geste la surprends et elle glapit. Oui glapit. Un rire meurt au fond de ta gorge mais il y a une étincelle d'amusement dans tes yeux fatigués. Elle vient de perdre un peu de crédibilité sur le coup. La chaleur de son corps irradie et il y a un sourire de contentement au coin de tes lèvres. Tu mentirais si tu disais que tu ne jouissais pas de cette situation.

VIOLETTE – Respire.

Tu lui murmures doucement en te tenant toujours à la même place. Sa poitrine est tellement contractée que tu la vois à peine se soulever. Tu doutes donc vraiment de sa capacité actuelle à capter de l'oxygène. Quand ses yeux tombent dans les tiens, ton sourire se transforme un peu. Oui tu aimes ce que tu vois. Tu aimes cette confusion que tu lui inspires d'une façon aussi simple.

YULIA – Je ne te poursuis pas...

Tu roules des yeux. Si elle n'a besoin que de ça pour respirer tu peux bien lui concéder ce point. Mais une chose est sûre toi non plus tu ne la poursuis pas. C'est donc le hasard. Pas le destin. Tu ne crois pas au destin. Yulia avale difficilement sa salive et tu devines qu'elle vient de prendre une décision. En bordure de ton champ de vision tu la vois qui se déplace. De ton côté tu ne bouges pas d'un poil et tu attends. Il y a quelque chose d'étrange dans la façon qu'elle a de glisser ses doigts dans les poches de ton short pour t'attirer dans son espace mais tu ne t'en plains pas. Tu te laisses même faire et sans faire un pas tu te penches vers elle. Tes yeux sont toujours dans les siens et maintenant que tu es presque sur le point de la toucher vraiment l'intensité te saisit. Qu'est-ce qu'il faudrait pour que tu l'embrasses ? Presque rien. Durant une seconde tu es distraite par ses lèvres. Tu l'as déjà embrassé une fois et même si c'était juste pour la faire enrager ce n'était pas désagréable pour autant. En fait tu serais plutôt partante pour recommencer car il y avait quelque chose dans ce baiser que tu n'avais jamais goûté. Et là c'est le drame. Les positions s'inversent et c'est toi qui manque son contact quand elle te lâche et recule avec plus de vivacité que tu ne l'en aurais cru capable. Est-ce qu'elle a feint d'être aussi perturbée pour créer cet effet de surprise ? Entre ses doigts tu découvres le pendentif en forme de tête de félin et il y a un grondement qui quitte le fond de ta gorge. Elle vient de te rouler dans la farine. Tu ne sais pas exactement quand la proie est devenue chasseur ou si tu n'as jamais été chasseur mais tu es étrangement énervée par cette constations. Elle t'a eu. Non ce n'est pas ça qui t'agace. C'est plus insidieux. C'est comment elle t'a eu qui te reste en travers de la gorge.

YULIA – Je savais que tu ne l'avais pas jeté ! Je gagne. Fin du jeu.

Un jeu. Tout ça n'est qu'un jeu et tu le sais. Pour elle comme pour toi. Vous avez juste commencé à vous chamailler mais il n'y a rien de réel entre vous. Et pourtant cette idée te révolte et il y a une torsion de dégoût dans ton ventre suite à ses paroles. La sensation ne disparait pas quand elle sort de la bâtisse et tu la suis presque aussitôt. Premièrement elle ne t'échappera pas comme ça et deuxièmement. Deuxièmement tu ne sais pas. Ton orgueil ne peut juste pas accepter qu'elle gagne même si au fond de toi tu es encore rebutée à l'idée de ne voir ça que comme un jeu. Oui c'est d'abord un jeu mais n'est-ce que ça ? Tes mâchoires se contractent douloureusement et tu te saisis de son bras pour l'arrêter. Peut-être ta poigne est-elle trop dure en cet instant mais tu t'en fiches à cause de ce fond d'énervement qui tu ronges. Tu ne peux pas perdre. C'est tout ce que tu penses. Et au fond peut-être que ce que tu ne peux pas perdre ce n'est pas le jeu mais ce qu'il y a entre vous aussi fou que cela puisse paraître. Tu la forces à se retourner et tu l'attires durement vers toi, ta main libre filant déjà vers son poing fermé pour récupérer l'objet mais au dernier moment c'est sur son cou que se referme tes doigts avec un peu plus de douceur. Tu ne sais pas exactement ce qu'il se produit en toi mais tu te penches soudain et tu l'embrasses. D'abord le contact est dur mais tu adoucis le baiser dès que ses lèvres se moulent aux tiennes. Tu lâches son bras prisonnier et tu glisses doucement tes doigts dans les siens jusqu'à ce que ta paume rencontre le contact froid du pendentif. L'instant est bien trop court et il te laisse avec une délicieuse impression que tu repousses pourtant bien vite pour prendre du recule. Dans ta main il y a la tête de félin et tu tentes de te convaincre que tu ne l'as embrassée que pour ça. Juste pour gagner un jeu auquel tu ne crois pas.

VIOLETTE – Le jeu reprends.

Il y a une amertume nouvelle dans ta voix malgré le sourire moqueur que tu affiches. Il est factice. Mais ta provocation ne l'est pas. Dans tes yeux le défi est clair. Tu la défies de t'affronter encore.

Violette était contrariée mais la vipère n'en avait rien à faire. Plus d'une fois, elle s'était fait avoir alors elles pouvaient bien inverser les rôles pour une fois. Surtout quand la parie avait été aussi habilement jouée. Yulia n'était pas peu fière d'avoir réussi à reprendre le contrôle et son sourire victorieux n'était en rien factice même s'il était teinté d'un petit quelque chose qu'elle n'aurait pas su définir exactement. Bien décidée à rester sur cette réussite, elle quitta le bar à drogues avec la certitude pourtant que Violette la suivrait. Elle ne semblait pas du genre à abandonner et avait jusqu'ici toujours soigné ses sorties. Seulement, Yulia ne s'était pas attendue à ce qu'après ce numéro de charme elle fasse à nouveau preuve de plus de brusquerie. D'une poigne forte, la dragonne attrapa son bras et la fit tourner. Yulia se retrouva soudain bien proche et son souffle se bloqua dans sa poitrine. Si les évènements la surprenaient, elle ne les trouvait pas désagréables. Elle n'eut pas le temps de penser plus avant que Violette soit omniprésente dans son espace vital. Violette qui se radoucissait en glissant une main dans sa nuque et qui maintenant l'embrassait. Ce maudit rêve revient aussitôt polluer les pensées de la vipère, mais il n'était rien à côté de la sensation réelle des lèvres de Violette sur les siennes. Elle aurait voulu l'enlacer, approfondir plus ce baiser, mais son bras était toujours prisonnier. Alors, elle tâtonna juste de sa main libre pour tirer sur le t-shirt de la dragonne et la forcer à s'approcher. Violette lia leurs doigts et Yulia sourit une seconde avant de pousser plus durement vers elle.

Jusqu'à ce qu'elle disparaisse, encore. Les yeux de Yulia claquèrent ouverts et elle resta un moment, la bouche béante, à essayer de comprendre ce qu'il venait de se passer. La dragonne l'avait embrassée et maintenant elle ne le faisait plus. Il lui suffit pourtant de voir le pendentif pour comprendre que tout ça n'était qu'une ruse. Elle venait encore de se faire avoir. Ses mâchoires se serrèrent et une lueur blessée glissa dans ses yeux avant qu'elle ne se reprenne. A quoi est-ce que je m'attendais ? Je ne suis qu'une idiote.

— Je ne veux pas jouer avec toi.

Il y avait tellement de sous-entendus dans ces quelques mots. Même si elle avait été la première à qualifier ce qu'il y avait entre elle de jeu, c'était douloureux de le voir glisser si facilement de la bouche de Violette. Elle ne voulait pas n'être qu'un jeu. Elle voulait plus. Elle voulait que ce baiser ne soit pas qu'une tactique. Mais c'était des envies stupides et illusoires. Même si au fond elle le savait déjà, Yulia fut bouleversée de penser tout ça si clairement. Elle était allé trop profondément et maintenant c'était la catastrophe. Elle avala difficilement une bouffée d'air et jeta un coup d'oeil à son pendentif. Elle voulait le récupérer parce qu'il comptait pour elle, mais elle ne pouvait pas rester plus longtemps à proximité de Violette. Donc elle partit. Pour la première fois, elle fut celle qui se retira sans un regard en arrière malgré la douleur qui lui vrillait soudain le ventre.

Tu mordilles légèrement ta lèvre inférieure en scrutant les réactions de Yulia. Ton plan a fait son effet sur la Vipère mais elle ne réagit pas vraiment comme tu l'avais envisagé. Elle est plus choquée que prévu et bientôt il devient évident que tu as choisi la mauvaise manœuvre. Mais qu'est-ce que ça peut faire au fond ? Ce n'est pas comme si tu t’inquiétais réellement de la façon dont elle vivait les choses. Ce n'est pas comme si tu vivrais mal le fait de la blesser ? Hein Violette ? Même si ce n'est pas un jeu, elle ne compte quand même pas tant que ça. Pourtant entre voir les choses et les penser il y a une énorme différence. En théorie, tu t'en fiches mais en pratique... Bon sang tu détestes sa réaction et tu t'en veux un peu en voyant la douleur dans ses yeux. Pas le temps de te rattraper néanmoins, elle est plus rapide que toi. « Je ne veux pas jouer avec toi. » Les mots font mal eux aussi. Tout ça c'est principalement un mal entendu. Elle n'a pas compris que tu ne voulais pas que ça s'arrête. Que même si tu te cachais derrière l'excuse d'un jeu ce n'en était pas un. Au fond tu comprends. Tu comprends parfaitement la raison des mots mais tu ne l'avales pas pour autant. Tu avales encore moins sa fuite. Le pendentif dans ta main te semble soudainement beaucoup trop lourd. Après tout ce qu'elle a fait pour le récupérer, elle part sans. C'est un signe évident de rejet. Tu as largement déconné et tu mérites sa réaction. Mais plutôt que de t'excuser ou même simplement de faire quelque chose, tu restes statique. Tu la laisses fuir, fourrant la tête de félin dans ta poche d'un geste rageur.