Falling down

Tu paniques. La peur s'est répandue de façon doucereuse dans ton organisme et t'envahit complètement désormais. Tu la sens faire battre ton cœur plus vite, elle romps l'équilibre dans ton corps. Elle t'empêche aussi d'être lucide. Les pensées se bousculent dans ton esprit. Elles n'ont pas de sens, elles semblent juste s'entasser, se répéter, s'amplifier pour augmenter le rythme de l'organe qui cogne désormais tellement fort dans ta poitrine que tu peines à comprendre ce qu'il se dit autour de toi. Tu saisis parfois un ou deux mots qui se frayent un chemin dans ta tête et viennent faire écho à ta confusion. Tu ne te souviens pas d'avoir été un jour dans un pareil état. Tu es complètement perdu dans le méandre de tes pires craintes. Tout ça à cause d'un commentaire glissé innocemment par un éclaireur. Cette nuit, le territoire des Jaguars du Sud avait été attaqué par un groupuscule qui vous était inconnu. Le clan s'était défendu et avait gagné face aux dissidents mais à part ça tu ne savais rien. Jusqu'à ce que tu entendes quelqu'un parler d'elle. Habituellement, tu ne faisais pas attention aux rumeurs qui circulaient bien trop vite dans le camp mais ton attention avait cette fois été retenue par les paroles de l'homme. La Chef des Jaguars avait été gravement blessée durant l'attaque et elle se trouvait actuellement à l'hôpital, probablement entre la vie et la mort. C'était ce qu'il avait dit. Et toi, bêtement sentimental, tu avais mordu à l'hameçon de la peur qui te secouait férocement pour te garder hors de l'eau et t'empêcher de respirer.

ADRIAN – C'est impossible...

L'idée que Noâ soit tombée te paraît inconcevable mais une part de toi y croit et c'est à cause de ça que tu paniques autant. Elle est humaine et malheureusement pas pare-balle. Ton esprit est toujours aussi incohérent mais ton corps commence à réagir de façon plus logique. Tu traverses le camp sans voir réellement ce qu'il se passe autour de toi. Ton regard fiévreux est focalisé sur un visage connu qui pourra te rassurer, te donner la réponse dont tu as besoin pour te calmer. Il est le seul qui pourra te sortir de cette angoisse qui te donne la nausée.

ADRIAN – Virgo.

Ta voix est désespérément faible. Maintenant que tu le vois, tu te forces à avancer plus vite. Cela ne te réussit pas, tes jambes s'emmêlent et tu peines à rester debout. On dirait que l'univers se ligue contre toi pour que tu t'écroules. Tu trébuches une dernière fois avant de t'accrocher à l'homme d'une main tremblante. Tu dois faire peine à voir avec les larmes qui te montent aux yeux.

ADRIAN – Elle...Noâ...

Former une phrase correcte te semble impossible. Tu as trop peur d'énoncer une vérité qui te détruira probablement. Malgré la rancœur, tu n'as jamais pu te détacher d'elle et si elle venait à disparaître, tu n'y survivrais probablement pas. C'est tout du moins ce que ton cœur pense.

Suite au débriefing, Virgo avait rapidement pris sa décision. D'après le peu d'informations qu'il possédait, les Jaguars avaient subit de lourds dégâts et il ne pouvait imaginer le fait de ne pas leur porter assistance. Si le clan refusait l'aide apportée, il comprendrait, mais il voulait au moins essayer. Dès que les siens s'étaient dispersés, il avait donc commencer à préparer une expédition. Octavia partirait en première pour aller proposer de prendre en charge une partie des blessés avant d'être rejointes par les éventuels volontaires. Il parlait d'ailleurs avec elle, lui donnant quelques conseils d'usage avant le départ, lorsque Adrian apparu. Le jeune homme avait l'air mal en point et Virgo ne comprit pas tout de suite ce qui lui arrivait. Lorsqu'il perdit un peu l'équilibre et se retient à lui, il passa par réflexe un bras autour de sa taille pour le maintenir debout. Face à ses tremblements et à ses yeux humides, il ne su que faire et se contenta d'attendre qu'il parle. Lorsqu'il le fit enfin, la lumière éclaira son esprit et il posa les mains sur les épaules d'Adrian, les serrant fort. Il le secoua légèrement jusqu'à capter son regard, il avait besoin de lui parler les yeux dans les yeux pour qu'il le croit.

- Elle va bien ! Noâ n'a rien.

En réalité, il n'en était pas certain, mais il voulait à tout prix casser cette spirale de doute dans l'esprit d'Adrian. Et puis, il ne parvenait pas à admettre l'hypothèse que sa protégée ait pu périr dans la nuit même s'il ne savait presque rien de l'attaque qui s'était produite. Gardant une main crochetée sur l'épaule du brun, il se tourna vers Octavia.

- Va. Je compte sur toi.

La blonde était l'une des plus anciennes, elle connaissait Noâ et pourrait donc s'assurer pour lui qu'elle allait bien. Comprenant le message, elle hocha brièvement la tête et se dirigea vers le buggy pour partir vers le sud. Maintenant que cette affaire était réglée, Virgo pu entraîner Adrian à sa suite. Ses pas le guidèrent naturellement vers sa tente car il ne voulait pas qu'il soit vu dans cet état.

- Il ne peut pas lui être arrivé malheur, au fond tu le sais bien.

Maintenant que tu es au côté de Virgo, tu espères sincèrement qu'il pourra te rassurer. Tu lui adresses un regard implorant et confus, bien conscient que tu te tournes en ridicule. Heureusement seule la soigneuse de la Troupe est présente et elle te connaît depuis suffisamment longtemps pour que tu ne ressentes pas de honte. Elle sait tout et connaît ta fragilité. C'est le cas des plus anciens du groupe, ceux qui ont connus Noâ et ont donc connus le jeune homme que tu as été lorsqu'elle était encore tienne.

Les mains fermes de Virgo emprisonnent tes épaules. Il te force à le regarder dans les yeux, bien conscient de la nécessité de te calmer. Un peu craintif, tu finis par plonger ton regard dans le sien. Tu as eu peur un instant de lire une vérité bien trop lourde à supporter mais les yeux de l'homme ne semblent pas porteur d'une mauvaise nouvelle.

VIRGO - Elle va bien ! Noâ n'a rien.

Tu sondes son regard pour être sûr qu'il ne te mente pas mais cela ne semble pas être le cas. L'entendre prononcer le prénom de la blonde te fait du bien et le fait qu'il affirme qu'elle va bien te soulage un peu. Tu n'en es pas encore intimement convaincu mais ses paroles t'aident à y croire. Pendant qu'il parle à Octavia, tu es comme suspendu à la main qu'il garde sur ton épaule. C'est un peu comme si sa paume chaude te permet de garder un pied dans la réalité. L'angoisse est toujours bien présente et te ronge le ventre mais avec Virgo tu réussis à la tenir un peu éloignée de toi. Complètement perdu, tu te laisses finalement emmener par le leader. Tu ne sais pas où il va mais tu le suis. Tant qu'il ne te laisse pas, c'est le principal tu n'as pas besoin d'en savoir plus.

VIRGO - Il ne peut pas lui être arrivé malheur, au fond tu le sais bien.

Une part de toi aimerait le croire mais l'autre n'en est pas si sûre. C'est de Noâ que l'on parle et ça a de bons comme de mauvais côtés.

ADRIAN – Elle est trop téméraire. Un accident est si vite arrivé.

Tu parles tout doucement et à voix basse. Dans ta tête, les divers scénarios se déroulent. Tu envisages toutes les blessures possibles, toutes les circonstances qui pourraient la pousser à faire une erreur fatale.

ADRIAN – Elle n'a pas le droit de mourir comme ça.

Sous-entendu, elle n'a pas le droit de mourir sans toi. Dans ta tête, une pensée fugace s'impose. Pour une fois, tu veux réellement la revoir.

Le manque de réaction d'Adrian inquiétait un peu Virgo, mais au moins il s'était un peu calmé et il acceptait de le suivre sans faire d'histoire. Ce n'était pas la première fois que l'homme le voyait dans cet état, il avait géré plus d'une crise depuis le départ de Noâ et il avait peu à peu appris à rassurer celui qu'il considérait comme un fils. Néanmoins, le brun pouvait se montrer particulièrement tenace lorsqu'il se persuadait de quelque chose et Virgo marqua un silence. Il n'avait pas tort à propos de la témérité de Noâ. Pour l'avoir entraîné, il savait pertinemment qu'elle pouvait parfois faire preuve d'une audace frôlant l'inconscience. Seulement, Noâ avait changé. Aujourd'hui, elle était adulte et dirigeait un clan ce qui avait indéniablement dû avoir une incidence sur son caractère. Mais personne ici ne pouvait en témoigner car elle n'avait pas repris contact avec la Troupe. Virgo attendait d'ailleurs toujours une réponse au message qu'il lui avait envoyé. Il se doutait néanmoins qu'elle ne devait pas voir d'un bon œil le retour du groupe en ville. La blonde les avait quitté de façon tellement brutale en laissant beaucoup de questions derrière elle et elle n'était peut-être pas encore prête à y répondre.

Finalement, Virgo ne parla pas car il ne savait pas quoi dire. Adrian avait peut-être raison, mais il pouvait aussi avoir tort. Il ne voulait en aucun cas lui mentir et pria silencieusement pour qu'il ne soit en effet rien arrivé à la Jaguar. Le murmure de l'homme le laissa pourtant songeur. Il savait pertinemment que même s'il n'en disait rien, le retour à Paris pesait lourd sur les épaules d'Adrian. Il se doutait aussi qu'il devait éprouver un étrange mélange de sentiments pour Noâ. En partant, il était celui qu'elle avait le plus blessé après tout. Toujours silencieux, Virgo fit entrer le brun dans sa tente et le poussa doucement pour qu'il s'installe sur la paillasse. Lui s'assit en tailleur au sol et poussa un long soupir. Il était peut-être temps qu'ils aient une discussion tous les deux.

- Nous n'avons jamais reparlé de tout ça... Ni de ce qu'il s'est vraiment passé chez les Jaguars lorsque tu as décidé de nous quitter. Ne crois-tu pas qu'il serait temps de crever l'abcès ?

Il prit une brève inspiration avant de continuer.

- Il faut que tu comprennes que maintenant que nous sommes ici, la fuite n'est plus possible. Un jour ou l'autre, vous vous recroiserez et il vaut peut-être mieux que tu ais parlé de cette histoire à quelqu'un avant vos retrouvailles. Je ne voudrais pas que tu fasses des erreurs que tu pourrais regretter sous le coup de la colère.

Virgo ne réponds rien. Tu sens toujours sa main sur ton épaule et tu t'accroches à cette sensation mais tu aimerais qu'il parle. Tu veux qu'il te rassure. Quelque part tu comprends pourquoi il se tait pourtant. Mais ça donne encore plus de combustible au feu qui dévore tes pensées. Tu paniques à l'intérieur. Tu as peur. Tellement peur. Tu ne remarques même pas le changement d'environnement et c'est lorsque Virgo te pousse à t'asseoir que tu comprends que vous êtes dans sa tente. Il se place devant toi et pousse un long soupir. Tu le regardes avec anxiété. Il est assis dans sa position d'homme sage et pacifique. Même sa façon de s'asseoir te faire penser à Noâ et à cette manie qu'il lui a transmis de s'asseoir toujours en tailleur. Tu te demandes si elle l'a gardé et les questions deviennent moins dramatiques. Tu la considères plus facilement comme étant vivante.

VIRGO – Nous n'avons jamais reparlé de tout ça... Ni de ce qu'il s'est vraiment passé chez les Jaguars lorsque tu as décidé de nous quitter. Ne crois-tu pas qu'il serait temps de crever l'abcès ?

Ton cœur s'emballe. Tu ne comprends pas le choix de Virgo de parler de ça maintenant. Tu ne sais pas si tu veux en parler. Tu ne sais pas non plus si tu es opposé au fait d'en discuter. Une part de toi ne peut pas lui donner tort. Peut-être que ça pourrait te soulager de lui expliquer.

VIRGO – Il faut que tu comprennes que maintenant que nous sommes ici, la fuite n'est plus possible. Un jour ou l'autre, vous vous recroiserez et il vaut peut-être mieux que tu ais parlé de cette histoire à quelqu'un avant vos retrouvailles. Je ne voudrais pas que tu fasses des erreurs que tu pourrais regretter sous le coup de la colère.

Il a totalement raison. Le soucis c'est que ce n'est pas toi qui fuit. Oui tu as peur de la revoir mais tu le désires tout autant. Vu votre dernière rencontre tu n'es par contre pas sûr qu'elle désire te revoir. La preuve vous êtes à Paris depuis des jours et elle ne s'est pas montré. De toute façon elle a été plutôt claire à ton sujet la dernière fois.

ADRIAN – Et si elle ne voulait pas nous revoir ? Elle n'est pas venue Virgo. Ca fait deux semaines et elle n'a même pas répondu à ton message.

Tu es un peu renfrogné. Tu n'apprécies pas qu'elle vous snobe de cette façon. Surtout que cette histoire est sérieuse. Tu t'adoucis légèrement alors qu'un soupir quitte tes lèvres.

ADRIAN – Je ne suis pas en colère. Elle me manque, c'est tout.